Les langues vivent dans le monde à l’état sauvage. Leurs relations ne sont encadrées par aucune règle ou droit des langues. Comment vit la langue française dans cet environnement ? Mieux qu’on ne le croit généralement, car elle possède de précieux atouts.

 

Le monde n’est pas en voie d’unification linguistique. C’est surtout grâce à la vitalité des grandes langues internationales, l’anglais, le français, l’espagnol, le portugais, auxquels se joindront peut-être le russe et le chinois. Notre langue ne se trouve pas dans la situation alarmante que certains dénoncent parfois. Le français n’a jamais été parlé par un aussi grand nombre de locuteurs qu’aujourd’hui. Les francophones réels sont au nombre de 110 millions, les francophones occasionnels de 60 millions, et les francisants, ayant des notions de français, de 110 millions, dispersés sur les différents continents. Notre langue se déforme peu, elle évolue, elle s’enrichit. Le français est en outre parlé, souvent très bien, par des élites étrangères.

 

Le français possède un certain nombre de qualités intrinsèques, la principale étant la clarté. Le français tend à la spéculation, à la démonstration, au commandement et à la synthèse. Cela est dû notamment à la richesse des verbes français en temps, en modes, en formes, à la force des conjonctions, à la précision de son vocabulaire abstrait, à sa syntaxe indestructible. Pour l’avantage qu’il donne à la stabilité sur le mouvement, à la raison sur les sentiments, à l’institution sur l’intimité, à l’ordre sur le désordre, au vertical sur l’horizontal, le français offre l’outil le plus évolué au service de l’activité intellectuelle.

 

Dans certains domaines, le français rend des services reconnus qui expliquent son usage international. C’est le cas pour la diplomatie, les hautes mathématiques, les disciplines médicales les plus proches des mathématiques, la biologie, le droit. Une troisième caractéristique du français consiste dans sa large médiatisation (cinéma, télévision, radio). Beaucoup de langues ne sont plus assez perfectionnées, ou complètes, ou simplement formées pour suivre le progrès de la société de l’information.

 

Mondialisation et nouvelles techniques se combinent pour favoriser le développement de l’information, la préservation des grandes langues internationales et le multilinguisme. Aujourd’hui, la France et la langue française occupent une place en pointe dans les industries du langage.

 

Grâce aux efforts accomplis, la langue française est l’une des voies d’accès à cette société de l’information d’aujourd’hui et de demain, une voie d’accès sûre, performante, qui s’adapte en permanence, et largement ouverte aux autres langues.

 

Les langues n’obéissent pas aux lois de l’économie ni à celles de la biologie. Elles ne parcourent pas une jeunesse, une maturité, une vieillesse comme les nations dont elles sont l’expression. Elles jouent comme des organismes indépendants et indéterminés. Si elles vivent, c’est comme une culture ou comme un média, par une énergie qui leur est extérieure, insufflée par l’esprit humain. C’est pour cette raison que l’on ne doit pas succomber au pessimisme ambiant, que le destin de notre langue n’est pas scellé, que l’on peut le ressaisir. Il y faut de la conviction, de la volonté, et même de la ferveur.