Par Ebenezer Njoh Mouelle Ministre de la communication du Cameroun

 

Toutes les langues sont destinées à assurer une communication entre les locuteurs tout aussi bien qu’à porter et à véhiculer les cultures, originelles d’abord de ceux pour qui elles sont des langues maternelles, u n ive rselles ensuite, lorsqu’elles injectent les éléments d’une culture générée par la pratique des échanges sur la scène inter-groupes et internations.

 

Les langues africaines sont encore pour la plupart, au service des communautés ethniques et régionales de ceux qui les parlent. Elles véhiculent une culture elle-même régionale et ethnique. D’autres langues, dans d’autres aires culturelles dans le monde, justifient de la même instrumentalité limitée en termes de leur portée communicationnelle tout comme de leurs contenus culturels. Il faut appartenir à leurs aires d’usage pour non seulement comprendre, intellectuellement bien entendu, les messages véhiculés, mais également sentir et s’émouvoir de certaines réalités par l’entremise des expressions qui ne sont effectivement signifiantes que pour ceux dont il s’agit de langues maternelles.

 

Une langue telle que la langue française a longtemps franchi les barrières de l’enfermement ethnique et national. Dire qu’elle est une langue de communication, c’est ne rien dire de nouveau. Dire qu’elle est une langue de culture ne saurait plus s’entendre comme s’il s’agissait d’une culture seulement nationale et française. La culture que véhicule la langue française telle qu’elle se comporte aujourd’hui est une culture mondiale, faite d’influences mutuelles de diverses langues sur la scène commerciale, scientifique et musicale par exemple.

 

La menace qui pèse sur les langues n’ayant pas une réelle capacité d’ouvert u re au monde et d’intégration de données culturelles nouvelles est de les voir stagner, s’étioler, voire même disparaître.

 

Tel n’est pas le cas de la langue française qui compte un très grand nombre de locuteurs hors des frontières nationales strictes françaises, et qui n’hésitent, ni à absorber des expressions venant d’autres langues, ni à créer de leur cru de nouvelles expressions émergeant du français parlé hors des frontières nationales françaises strictes. Il en est ainsi par exemple du français parlé en Afrique, que l’Académie française les adopte ou non. Les usages non académiques de la langue sont plus courants en tout temps que les usages académiques qui sont principalement le fruit de l’élite.

 

La langue des milieux d’affaires elle-même introduit des expressions venues d’ailleurs et qui sont en train de constituer la nouvelle richesse culturelle du français.

 

L’action pour promouvoir le français des affaires ne se limitera pas à inventorier les mots-clefs des affaires. Avec ces mots et leurs contenus, c’est toute une autre culture à laquelle ne participent que ceux qui pratiquent les milieux d’affaires. L’élargissement de cet espace culturel se fait-il à travers la traduction en d’autres langues de ces mots du français des affaires ou alors ne faudrait-il pas faire parler directement le français au lieu de le traduire ? C’est le grand défi qui se présente à la promotion de la langue française.