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Quatre-vingt-treize, l’année terrible. Et le nombre, donc !

J’ai accoutumé de demander à mes étudiants s’initiant à la linguistique quelle est cette curieuse langue qui emploie tour à tour les numérations décimale, vicésimale et un mélange des deux.
C’est bien sûr le français ! Dont Rivarol eut bien tort de vanter l’absolue clarté.
Curieuse langue, en effet, qui utilise la numération décimale (par 10 : 10, 20, 30, 40, 50, 60), vicésimale (par 20 : quatre-vingts), et un mélange des deux (quatre-vingt-dix).
L’emploi de la numération vicésimale est dû, pense-t-on, à une influence gauloise : nos « ancêtres les gaulois » comptaient par vingt. Il est de fait que cet usage était des plus fréquents dans l’ancienne langue, où l’on relevait six-vingts, sept-vingts, hui-vingts. En 1260 Saint-Louis fonda un hôpital pour trois cents chevaliers revenus aveugles de la croisade : c’est l’hôpital parisien des Quinze-vingts.
Le maintien partiel de cet usage ancien en français moderne présente un double défaut. L’expression d’abord est lourde et malcommode : quatre-vingt-treize. On comprend que les jeunes de la Seine-Saint-Denis parlent du 9-3 !
La formulation, ensuite, est ambiguë : si vous dictez à une personne soixante-quinze, elle commencera par écrire un 6, qu’il lui faudra corriger aussitôt.
En Belgique, on dit naturellement septante et nonante ; on entend également octante (huitante en Suisse).
C’est un emploi cohérent et naturel de la numération décimale : dix, vingt, trente, quarante, cinquante, soixante, septante, octante, nonante, cent. Les Français auraient tout intérêt, je crois, à délaisser leurs (mythiques) origines gauloises au profit de le leur (très réel) avenir francophone : qu’ils adoptent résolument une telle numérotation !