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Compter, sans s’en laisser conter


L’orthographe française, au rebours de l’italienne, par exemple, n’a pas pour seule (ou principale) mission de transcrire les sons. L’évolution phonétique du français, langue romane germanisée, ayant produit dans cette langue de nombreux homonymes, on tend à les distinguer par la graphie. Il arrive même que l’orthographe distingue les deux emplois principaux, et fort distincts, du même verbe ; c’est le cas pour compter et conter.

Tout commence avec le latin computare. Il a donné un ancien français compter, écrit tout simplement conter, et qui signifiait « calculer » : on compte son argent. De « calculer » on est passé au sens de « considérer » (tout bien compté), puis à celui de « prêter attention à » : elle ne compte pas pour lui. Cette idée de calcul se retrouve dans les dérivés : compteur, comptable, comptant (payer comptant).

Le latin computare avait pris à l’époque médiévale un sens nouveau. À partir de « calculer », on était passé à « énumérer », puis à « relater ». Conter prend alors une seconde signification, celle de « faire le récit détaillé d’un fait ». D’où les dérivés : conte, conteur, raconter

Après une période de grand flottement l’orthographe française a distingué ces deux emplois, comme s’il s’agissait de verbes distincts. La signification « calculer », proche de l’étymon latin, a reçu une graphie latinisante : compter ; la signification « relater » a conservé la graphie française simple : conter.

Les choses sont claires : de quoi ne plus s’en laisser conter.