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Par ici la monnaie – Petite métaphysique du Fric

Par Paul CLAVIER – Éditions du Cerf – 180 pages

« Qu’est-ce que la monnaie ? un bien réel ou un moyen de paiement ? une réalité en soi, ou le symbole d’une transaction ?  Mais si la monnaie n’est fondamentalement  qu’une  reconnaissance de  dettes, la question est de savoir qui doit quoi et à qui ». 

C’est par ces questions  aussi fondamentales que la philosophie qu’il professe que l’auteur ouvre  sa réflexion qui a toute l’apparence d’une aimable provocation. Mais il n’en est rien car, s’il  s’abstient d’entrer dans le « débat  sans  fin » qui  oppose les partisans et les  adversaires du système monétaire et financier existant,  s’il évacue les considérations trop  techniques, s’il préfère s’interroger sur la réalité à laquelle correspond cette « monnaie » et à quoi elle est employée plutôt que de savoir comment en détail elle est émise,  il n’hésite pas pour autant à examiner les fondamentaux  de l’orthodoxie monétaire :    qui a raison ? entre Marx pour qui « la capacité de l’argent à faire  fructifier sa propre valeur…  est la mystification capitaliste dans sa forme la plus brutale » ou John Maynard Keynes qui ne croit plus à la neutralité de la monnaie et lui reconnaît un rôle  central ou  Jean-Baptiste  Say  qui  considère qu’elle  doit  rester dans son  rôle d’instrument (la voiture) d’échange, ou bien enfin,  ceux qui à l’ image  du professeur Aglietta considèrent que « la monnaie ne fait qu’exprimer l’interdépendance  économique et sociale via l’Etat.

Ces considérations métaphysiques prennent toutes leurs valeurs au moment ou les Banques centrales déversent comme jamais sur l’‘économie « réelle »  des montants de « monnaie » inimaginables, ou les Etats  poussent leur endettement à des niveaux  hier totalement proscrits que  les économistes majoritairement considèrent comme nécessaire.

Cette idée qui monte selon laquelle il est possible de créer ex nihilo de la monnaie pour voler au secours des Etats « non frugaux », que  demain il sera tout à  fait possible d’effacer par un simple jeu d écriture  nos  dettes,  sans  qu’aucun épargnant, ni contribuable n’ait à en  souffrir, a de quoi  faire  frémir, même les  esprits les plus ouverts.

Avec cette question lancinante :  quid de la confiance demain dans la monnaie, base fondamentale de la  théorie de l’échange ? si, par malheur, l’opinion  se mettait à douter brutalement de  sa  valeur, quel en serait le prix  à payer ? Alors sans doute reviendraient comme un boomerang les  questions  qui  fâchent  : que  dois-je ?  moi qui ai  vécu collectivement au-dessus  de mes moyens, en consommant plus que ce que  j’ai su créer en  valeur, grâce à mon surendettement  partagé, que dois-je  à la génération qui me précède ?  que dois-je aux  générations  futures ?  aux puissants ? à la planète ?Une brillante introspection qui ne peut laisser aucun lecteur totalement indemne. Un regard particulièrement précieux sur un sujet dont on parlera (hélas) sans doute de plus en plus.

Paul CLAVIER-professeur de philosophie à l’université de Lorraine, auteur de nombreux travaux.