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Éthique et économie : Comment sauver le libéralisme ?

Sous la direction de Bernard ESAMBERT, Actes de la Fondation 2012-2019, Humensis – 361 pages

Cette turbulente année 2020, avec son cortège de brumes sanitaires s’achève avec cette lueur d’espérance portée par la très remarquable publication des actes de la Fondation «Éthique et Économie».

Organisé sous la direction de Bernard Ésambert sous l’égide de l’Académie des Sciences morales et politiques avec le soutien du Président Bertrand Collomb, ce cycle de conférences tenu à l’Institut a été prolongé par les rapports de (5)  groupes de travail sur les différents aspects du sujet et publié en 2019. L’addition de ces travaux permettait de proposer une réflexion très approfondie (dont les actes ont été rendus disponibles), sur « l’éthique du système d’économie libéral » appelé aussi… capitalisme.                        

Sensibiliser, responsabiliser et faire agir les grands décideurs de la Planète sur ce thème dont moult événements nous rappellent quasi quotidiennement l’actualité douloureuse, est devenu pour l’homme « d’une vie d’influence ».

La richesse de son parcours, qui lui a fait connaitre intimement les pratiques des hautes sphères politiques comme celles de la finance, de la science et des intelligences sous toutes leurs  formes,  lui a sans doute permis de percevoir mieux que quiconque l’urgence de répondre à la contestation qui s’amplifie et à la perte de pertinence et de sens de ce libéralisme qui, par-delà ses effets bénéfiques nourrit les affrontements et détruit « les biens communs »,  ces  ressources  fournies gratuitement par la nature. 

La mondialisation a transformé notre Planète en un champ de bataille sans morale et spiritualité : « …S’il y a bien une mondialisation idéale, celle où le progrès de chacun contribue au progrès de tous …» et, si le libéralisme des temps modernes a fait progresser la satisfaction des besoins vitaux, il a aussi creusé des  écarts majeurs entre la société de consommation qui  déborde de biens matériels et d’images pour les uns, sans procurer le minimum décent pour les autres.  Ce constat lourd de conséquences rejoint en tous points les réflexions d’Adam Smith qui soulignait déjà que :

« .. le libéralisme n’est légitime que s’il est inscrit dans un contexte institutionnel qui respecte la possibilité pour tous d’accéder aux « bonnes choses de la vie »… »

Fort de ce constat et de ses convictions de « grand Sage » et d’humaniste que nous lui connaissons, Bernard Ésambert s’est livré à une critique sévère des dysfonctionnements de l’économie de ce début du XXIe siècle. Dans sa note d’avril 2018, (publiée dans cet ouvrage) il souhaite la création d’un code moral qui «…rende  acceptable son fonctionnement à la majorité des femmes et des hommes, en recréant un peu de  vertu et de grâce dans le système, en répondant aux aspirations et à l’immense désir de justice et de dignité…».

La mondialisation s’est développée plus rapidement que ses nécessaires régulations par trop dispersées et en l’absence d’un code éthique mondial. Aussi propose-t-il en invitant les vingt-deux prestigieux contributeurs à ce cycle, (de Jean Tirole, Pascal Lamy, Michel Camdessus, des économistes et les  représentants des religions monothéistes), comme l’ensemble des personnalités, morales, politiques ou intellectuelles à mettre : «… de l’ordre dans notre image du monde et de ne plus lire l’économie comme une religion sans tables de la loi … ».

Les quinze principaux domaines proposés à ces travaux passent en revue l’ensemble des grandeurs et misères du «système» :  de la justice, première priorité, à la dignité, la fraternité, la solidarité, le travail des enfants, les égalités, le pouvoir et l’éthique dans l’entreprise, mais aussi … la cupidité, la philanthropie, la corruption , les biens , la pauvreté et  l‘environnement- écologie comprise … une légitime et grande ambition.

Mais la pandémie mondiale a retardé les avancées vers la constitution de cette  «assemblée mondiale» que Bernard  Ésambert appelle de ses vœux. Elle   devrait être composée des  représentants des courants éthiques  se  reconnaissant  dans ces principes  du  «vivre  ensemble» et au-delà, elle permettrait l’émergence  d’un libéralisme tempéré qui y  gagnerait  de nouvelles lettres  de noblesse . La publication d’une charte éthique par un groupe de Sages, permettrait sans  doute de «… fabriquer une nouvelle Histoire  du  Capitalisme libéral …»  qui devra beaucoup, pour sa renaissance, à la détermination de Bernard Ésambert.

Une réflexion d’une richesse, intellectuelle, éthique morale… rare. Immanquable pour tous publics.

Bernard Ésambert – Une vie  d’influence –  Flammarion  Prix saint  Simon 2013 – Proche collaborateur du Président Pompidou, dirigeant d’une prestigieuse Compagnie financière, ancien Président de Polytechnique et de l’Institut Pasteur, Président de nombreuses organisations caritatives (recherche sur le   cerveau, l’épilepsie, Légion d’honneur, l’institut Georges Pompidou etc..)  – auteur d’ouvrages qui ont fait date, est reconnu par ses pairs comme l’une des grandes références morales et intellectuelles contemporaines.