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Editorial d’Alain Joyandet, Secrétaire d’État.

L’action de la France en Francophonie est politique et culturelle bien sûr, mais également économique… et même sportive ! L’année 2009 en a fait la démonstration puisqu’elle a notamment été marquée par la tenue des Assises économiques du Forum Francophone des Affaires à Beyrouth le samedi 3 octobre, placées sous le haut patronage du Président de la République libanaise, le Général Michel Sleiman. Ces assises du monde des affaires francophone se sont déroulées en marge des Jeux de la Francophonie, organisés sous l’égide de l’Organisation internationale de la Francophonie et dont la VIe édition se tenait à Beyrouth du 27 septembre au 6 octobre 2009.
 

 

Lors de cette journée du 3 octobre, le thème du colloque retenu par le Forum Francophone des Affaires, « Le Liban et l’espace économique Euro-Méditerranée », a rassemblé de nombreuses personnalités. Le ministre de l’Information, représentant le président Sleiman, y est intervenu en compagnie de Christian Estrosi, ministre français de l’Industrie et d’Henri Guaino, Conseiller spécial du président Nicolas Sarkozy. La conférence, qui s’est tenue dans le cadre magnifique de l’Ecole Supérieure des Affaires, fleuron de l’amitié franco-libanaise, a réuni un parterre de représentants officiels de l’État français, ainsi que des hommes d’affaires et des industriels libanais dont certains ont pris la parole durant le colloque pour évoquer les enjeux économiques du partenariat euro-libanais. Le rôle important non seulement de la langue, mais aussi de la culture francophone, a été souligné ainsi que la nécessité de s’assurer de la moralisation du système économique et financier en général et au sein du Forum Francophone des Affaires.

 

Le prix de la Francophonie économique 2009 a été remis en conclusion de cette manifestation par le ministre de la Culture libanais à MM. Josep Peralba, Administrateur délégué de Crédit Andorra, et à Roger Nasnas, Président du Conseil économique et social du Liban et Président Directeur Général d’AXA Middle East, pour l’ensemble de sa carrière.

 

C’est également à l’Ecole Supérieure des Affaires que le Club France de la délégation française aux Jeux de la Francophonie avait pris ses quartiers. Nombreux furent les lauréates et lauréats français des différentes épreuves des Jeux de Beyrouth à y être célébrés lors de soirées festives. J’en profite ici pour saluer l’excellent bilan d’ensemble de ces Jeux, où culture et sport trouvent un juste équilibre, et qui constituent la fête de la jeunesse et de la solidarité francophones. On peut retenir plusieurs points saillants des Jeux de Beyrouth.

 

Tout d’abord, la solidarité de la Francophonie, et notamment de la France, à l’égard du Liban ne s’est pas démentie. La France a contribué au budget des Jeux, qui s’élevait à 10,3 M€ dont 3 M€ demandés aux bailleurs, à hauteur de 1,588 M€ dont 1,5 M€ du ministère des Affaires étrangères. De plus notre rôle dans la mobilisation des autres bailleurs a été significatif. Le respect de l’échéance a été également un facteur de satisfaction, malgré les incertitudes du contexte libanais depuis trois ans. J’ai pu apprécier aux côtés du Premier Ministre François Fillon l’exceptionnelle cérémonie d’ouverture, due à un talentueux metteur en scène français, Daniel Charpentier : elle a célébré l’histoire du Liban et son hospitalité légendaire. L’organisation des VIe Jeux a été globalement réussie, ce qui constituait un défi majeur à relever avec plus de 2 000 participants en provenance de 40 pays. Même s’ils n’ont pas eu l’impact médiatique que nous espérions, les Jeux ont pu constituer – c’était le plus important pour le Liban – un facteur d’unité et de cohésion nationale. Au final, cette VIe édition, par sa belle réussite, fait plus que jamais des Jeux la Francophonie la vitrine de l’Organisation internationale de la Francophonie ; leur pérennité s’en voit confortée.

 

D’ailleurs je me réjouis qu’une pluralité de candidatures se soit manifestée pour accueillir la prochaine édition des Jeux en 2013 : Malabo (Guinée-Équatoriale), Ndjamena (Tchad) et Nice (France). Les dossiers de candidatures avaient été remis à l’Organisation internationale de la Francophonie depuis le 31 août 2009, et les trois villes ont tenu un stand au Village des partenaires dans le centre de Beyrouth pendant toute la durée des Jeux.

 

L’examen des dossiers de candidature, les visites de la commission d’évaluation de l’OIF qui s’est rendue dans les trois villes et la prestation orale des pays candidats ont constitué les étapes d’un processus de décision de qualité, marqué par un esprit de convivialité et de transparence. Les trois dossiers de candidature déposés étaient d’une très grande qualité. Le conseil d’orientation du Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF), organe subsidiaire de l’OIF, a abouti le 2 décembre à une recommandation consensuelle faite à la Conférence ministérielle de la Francophonie de retenir la ville de Nice. Cette recommandation a été suivie par les ministres réunis à Paris le 16 décembre 2009.
 

 

Je me réjouis du choix de la ville de Nice et de son formidable projet innovant de « Génération Francophonie », choix qui récompense une candidature enthousiaste et rigoureuse, reposant sur des bases extrêmement structurées. L’objectif de l’OIF est d’atteindre en 2013 de Jeux parfaitement équilibrés entre le sport et la culture, à la fois populaires et médiatiques, au caractère festif et à l’organisation sans faille. La France est fière d’avoir vu la candidature de Nice retenue : l’opportunité lui est ainsi donnée d’exprimer tout l’attachement qu’elle porte à la Francophonie et au rayonnement de sa jeunesse.

 

En 2010, la politique francophone de la France continuera à faire preuve de la plus grande ambition, montrant que la Francophonie est une priorité de sa diplomatie.

La Conférence ministérielle de la Francophonie s’est déroulée à Paris les 15-16 décembre 2009, au tout nouveau Centre de conférence ministériel du ministère des Affaires étrangères mis à disposition de l’OIF pour l’occasion. La conférence a atteint ses objectifs qui servent de cap pour l’année à venir. Elle a d’abord procédé au bilan de la mise en œuvre des engagements du Sommet de Québec (octobre 2008), dont le changement climatique et la participation des pays francophones aux opérations de maintien de la paix, pour laquelle une résolution a été adoptée, qui témoigne de la volonté politique commune des Etats membres de pousser encore plus loin les efforts engagés. La Conférence a examiné différentes situations de crises en Afrique. Elle a de surcroît pris une décision et fixé un horizon pour le XIIIe Sommet, au vu du désistement de Madagascar, désigné en octobre 2008 et qui traverse une crise difficile, en acceptant la proposition de la Suisse. Le Sommet qui se tiendra à Montreux du 22 au 24 octobre 2010 sera, comme celui de Québec, rénové, dynamique et efficace.

Tout au long de l’année, la préparation de ce Sommet coïncidera avec le début de la mise en œuvre de la nouvelle programmation quadriennale 2010-2013 de l’Organisation internationale de la Francophonie, dernier point adopté à Paris. L’élaboration de cette proposition de programmation 2010-2013 de l’OIF s’est fondée sur des balises d’ordre institutionnel (Cadre stratégique décennal de la Francophonie 2004-2014) et sur la Déclaration et les résolutions issues du  Sommet de Québec. De plus, la réflexion menée tient compte  de l’évolution constante du contexte international, de même que des enseignements tirés de la mise en œuvre de la précédente programmation 2006-2009. Un effort particulier a été porté sur la création de partenariats avec les opérateurs spécialisés de la Francophonie et sur l’émergence de complémentarités et de synergies avec d’autres partenaires qui partagent les mêmes objectifs que l’OIF. Enfin, un des éléments fondamentaux qui a guidé l’élaboration de cette programmation a été la gestion axée sur les résultats.

 
Cette programmation quadriennale de l’OIF et de certains opérateurs est la meilleure forme de mise en œuvre de Québec, car la plus concrète et inscrite dans la durée. Elle dispose de manière équilibrée l’activité de l’organisation entre ses deux plans essentiels, l’action multilatérale pour nos valeurs communes et la promotion de la langue que nous avons en partage. Les projets novateurs de promotion du français, encouragés par le sommet de Québec, y figurent en bonne place, notamment la mobilité étudiante et la formation des maîtres.

La France attache, comme cela a été fortement affirmé à Paris, la plus grande importance à ce qu’en 2010 soit encore renforcé le rôle particulier de la Francophonie dans le multilatéralisme. La Francophonie est désormais une composante de plein droit du cercle des grandes organisations internationales. Incarnée éminemment par son Secrétaire général, le Président Abdou Diouf, elle est destinée par sa large composition et son inspiration à développer des relations avec l’ONU et les grandes organisations régionales, et non uniquement avec les espaces linguistiques qui sont ses premiers partenaires. Notre diplomatie la traite d’ailleurs au sein des mêmes services que ces grandes organisations, notamment les organisations de la famille des Nations Unies.

Ce multilatéralisme présente plusieurs facettes. Tout d’abord, la Francophonie a renforcé son unité, multiplié son action de terrain sur les théâtres de crise ; elle est reconnue comme l’un des acteurs de premier plan dans le cadre des groupes internationaux de contact. Elle a été appelée à Paris à renforcer encore son action en vue d’augmenter les capacités de maintien de la paix dans l’espace francophone, en liaison avec l’ONU et les Etats membres du nord et du sud. La France a choisi la Francophonie comme l’opérateur de référence de l’accompagnement électoral dans l’espace francophone. L’action en faveur des droits et libertés est une autre composante du multilatéralisme, à laquelle la Francophonie pourrait apporter beaucoup et davantage. Fondés sur un socle de valeurs communes, les textes adoptés à Bamako et Saint Boniface composent, avec les déclarations des Sommets, un corpus très solide pour fonder une action élargie, source de reconnaissance sur le terrain dans les pays où la Francophonie agit en faveur des libertés. Il nous faut donner une impulsion à son expression et sa reconnaissance dans les enceintes multilatérales compétentes en matière de droits de l’Homme, en particulier à Genève. L’initiative ne peut toutefois émaner que des autorités politiques : il faut travailler à asseoir, avec permanence et cohérence, la voix de la Francophonie dans ces enceintes, conformément à la Déclaration de Québec.

Je suis convaincu que 2010, dixième anniversaire de la Déclaration de Bamako sur les droits et libertés dans l’espace francophone, nous offre une conjoncture favorable pour une action plus résolue. Dans les travaux de préparation de cette célébration, la France plaidera pour un approfondissement de Bamako. Dans un autre domaine enfin, la justice internationale, la magistrature d’influence de la Francophonie pourra notamment contribuer à éclairer les positions lors de l’émergence de débats où nos principes sont en cause.

La diversité culturelle et linguistique qui inspire l’engagement francophone trouve en effet son corollaire dans la défense de nos valeurs. Nous observons avec appréciation la concertation très suivie entre la Francophonie et le Commonwealth : dans un monde en mutation, ces communautés peuvent contribuer à l’apparition de nouvelles visions et de perceptions constructives dépassant les réflexes acquis et les clivages classiques. Leur mobilisation en vue de la conférence de Copenhague a été exemplaire de ce  point de vue. C’est ainsi dans des registres très variés que la Francophonie peut conforter et stimuler le multilatéralisme auquel la France est si attachée.
 

Je voudrais m’attarder, dans l’agenda 2010, sur la date du 20 mars, Journée internationale de la Francophonie. C’est ce jour que sera célébré le 40e anniversaire de la signature, par les représentants de 21 Etats et gouvernements, de la Convention portant création de l’Agence de Coopération culturelle et technique, à l’origine de l’Organisation internationale de la Francophonie. C’est le 20 mars 2010 également qu’il sera procédé à Paris à l’inauguration de la Maison de la Francophonie que la France met à disposition de l’Organisation internationale de la Francophonie. Engagement prioritaire de la France, affirmé par deux Présidents de la République, le projet de regrouper sur un seul site les différentes implantations de l’OIF, ainsi que des bureaux de liaisons pour l’Assemblée parlementaire de la Francophonie et les quatre opérateurs, verra ainsi le jour au sein d’un ensemble immobilier sis au 19-21 avenue Bosquet à Paris, dans un quartier prestigieux près de la Tour Eiffel. Un espace francophone populaire sera ouvert au public au rez-de-chaussée de la Maison et comprendra notamment un campus numérique (AUF) ainsi  qu’un mur d’écrans (TV5Monde).

La Convention liant l’Organisation internationale de la Francophonie et l’État français relative à la mise à disposition de ces locaux, que j’ai signée à Québec le 18 octobre 2008 avec le président Abdou Diouf, en présence du Président Nicolas Sarkozy et du Premier Ministre François Fillon est entrée en vigueur le 1er septembre 2009. Elle prévoit notamment une durée de mise à disposition de cinquante ans renouvelable par l’État au bénéfice de l’OIF.

Le loyer annuel représente environ 5 % des contributions totales de la France à la Francophonie multilatérale et à 18 % de sa contribution à l’OIF. Il est entendu que cet effort s’ajoute à la contribution française à l’Organisation internationale de la Francophonie.

 
Les progrès vers une solidarité francophone plus systématique sont indiscutables depuis le Sommet de Québec, avec la concertation renforcée mise en place dans les enceintes internationales, notamment par les groupes d’ambassadeurs francophones qui se multiplient (créé à Bruxelles auprès de l’Union Européenne, créé à Moscou, relancé à Addis-Abeba auprès de l’Union africaine), mais aussi dans d’autres formats où un vide existait (groupe francophone à la conférence sur les changements climatiques à Copenhague, forum francophone au Parlement européen). Toutefois, des inerties politiques et institutionnelles demeurent. Je voudrais dès lors énoncer quelques messages en forme de vœux pour l’année 2010, à l’intention de la Francophonie, de l’Organisation internationale de la Francophonie et de la sphère économique francophone.

La dynamique de la Francophonie implique de réaffirmer la validité des engagements de Québec qui lient tous les États membres, petits et grands, et les observateurs selon leurs moyens ; les événements de 2009 ont donné raison à la recherche d’une Francophonie solidaire et cohérente face aux défis de la démocratie, du changement climatique, de la crise ; le travail de mise en œuvre des engagements du Sommet, sans précédent, doit continuer ; nos politiques étrangères restent perfectibles notamment pour assurer dans les enceintes internationales l’emploi du français, que la majorité de nos membres n’emploie pas encore totalement à l’Assemblée Générale des Nations Unies, et l’action cohérente en faveur des droits et des libertés.

L’apport de la France à la Francophonie peut être multiple : en ayant opté pour le maintien de ses contributions dans une conjoncture budgétaire tendue et décidé d’importantes  mesures additionnelles pour réaliser la Maison de la Francophonie, elle peut faire valoir son effort pour donner l’exemple aux contributeurs. Mon pays reste attaché au multilatéralisme des financements. Heureux de doter la Francophonie d’une Maison digne d’elle, il appelle tous les bailleurs à envisager un effort additionnel au profit de l’Organisation internationale de la Francophonie et des opérateurs.

L’évolution interne de l’Organisation internationale de la Francophonie demeure nécessaire : la France soutient les efforts du Secrétaire général et de l’Administrateur pour en poursuivre la modernisation. L’installation dans la Maison de la Francophonie doit concrétiser et parfaire le passage à un esprit plus opérationnel et plus transparent.

 
Je terminerai en évoquant le monde économique qui vous est cher : le Forum Francophone des Affaires, créé en 1987 au premier Sommet de Québec, est l’unique organisation économique reconnue par le Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement francophones. En plus de vingt ans, cette organisation est devenue l’un des premiers réseaux mondiaux d’entreprises ; elle est représentée dans tous les pays francophones mais, également, dans les pays hispanophones, lusophones et arabophones. Elle aura naturellement toute sa place dans le portail numérique francophone innovant mis en place dans les prochaines semaines par la France au bénéfice de la Francophonie toute entière. Je souhaite au FFA de continuer à se renforcer, car à l’heure de la mondialisation, la pertinence d’un regroupement à vocation économique fondé sur l’usage de la langue française est plus que jamais nécessaire. Les mouvements économiques et financiers sont brutaux et souvent contradictoires ; la crise actuelle en est une dramatique illustration. Il est donc vital pour les entreprises qu’elles se regroupent pour faire face aux mutations. La mondialisation ne contredit pas les réseaux internationaux : au contraire, elle les appelle et les rend indispensables.

Par
Alain JOYANDET
Secrétaire d’État chargé de la Coopération et de la Francophonie
auprès du Ministre des Affaires étrangères et européennes de la République Française
 

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