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94223 Charenton Cedex, France
Point de vue des économistes

La société du « ressenti »

Dans  le début de cet été caniculaire, une nouvelle parution (1) de l’un de nos plus grands démographes nationaux, Hervé le  BRAS s’annonce  déjà  comme un futur grand « classique », au même titre que purent le prétendre, «la Société de défiance »  (Ulm) de nos amis  les  économistes Algan et  Cahuc en 2008, ou  « l’ Economie  du bien commun » (Puf 2016) de Jean TIROLE.

 En effet, chacun de ces essais a su mettre en lumière les fractures  de «notre doux  et beau pays », les racines du «mal-être  d’une France, profondément étatique (l’arbitrage de l’Etat est en permanence  exigé par les  acteurs) et, corporatiste (les  droits sociaux  dépendants largement  du  statut ou de la profession)  .

 La France reste bien installée, en tête des pays où la méfiance envers les  acteurs et les institutions  est la plus élevée et, où l’écart entre la perception de la situation individuelle (ressentie comme durablement  médiocre  par le plus grand nombre)  et celle du pays (plutôt confortable) est abyssal…

 Telle  est la «situation paradoxale» de notre France  que Hervé Le  BRAS  s’ attache à analyser, sans prendre parti, mais avec l’acuité du  regard de son exceptionnelle  expertise : une lecture fine des sondages et des études disponibles, de l’examen méticuleux des  faits eux-mêmes, dépollués de l’imaginaire qui les accompagne, en les comparant aux résultats  des différents pays européens. Partant du constat que la France  est l’un  des pays le plus égalitaire en Europe  et dans le monde, l’un de ceux qui procède à la plus large  redistribution  sociale (15% de la totalité au plan planétaire !!!) ,  l’ auteur s’interroge à nouveau  et légitimement  sur les  raisons (de  sociologie politique notamment)  de cette contradiction entre l’état réel et objectif du pays – bon-, (attractivité  forte, baisse du chômage, soutien du pouvoir d’achat par l’endettement  – excessif ? – de l’Etat   etc.. )  et le  sentiment subjectif, pessimiste, le «ressenti » largement  négatif  de nos concitoyens …

Ainsi pour l’ auteur, notre pays  est dans une  situation proche  de ce que l’on peut espérer de mieux, eu égard  à notre potentiel de production de richesses  (sans  rentes..) et de compétitivité mondiale, avec des inégalités  de surcroît qui n’ont que peu augmenté et où la pauvreté  est l’ une  des mieux contenues .

 D’évidence, ces propos dénotent dans un contexte où « Gilets jaunes » et autres Râleurs impénitents  s’en  donnent à cœur joie.

Mais cette « France malheureuse » dans laquelle s’identifient particulièrement les villes et les classes moyennes, confortées dans leur sentiment par une  large partie de la classe politique  d’opposition, devrait pouvoir aussi  se regarder en face …Se demander  notamment si sa tendance naturelle vers une forme d’ignorance (volontaire ou culturelle)  des  réalités économiques , forme parfaite de l’irresponsabilité, n’est pas de nature à expliquer un malaise français plus général. Comme si  :

 « … L’important paraissait de moins en moins, ce qui  est, se mesure ou  se constate, mais  seulement  ce que l’on croit, craint ou  rêve… ».

  Jean Louis  Chambon Président du cercle TURGOT

 Hervé le BRAS, démographe , auteur,  et chercheur émérite (ined)

(1) « Se sentir mal dans une France qui va bien »,  Editions de l’Aube.

À propos de l'auteur

Articles

Président en exercice de la Fédération Nationale des Cadres Dirigeants – FNCD – Centre de Réflexion et de représentation des dirigeants salariés qui fédère les principaux réseaux de dirigeants français. Président du Prix Turgot du meilleur livre d’économie financière. Président de l’Association des élèves et anciens élèves de l’Institut de haute finance. Président d’honneur et fondateur du Cercle Turgot : un think tank sur les sujets économiques, financiers, et de société. Auteur et chroniqueur économique, il est journaliste à Canal Académie, la radio internet de l’Institut de France où il anime plusieurs rubriques de littérature économique (Eclairages, au fil des pages, etc.). Autres chroniques sur Revue Banque, Échanges, Revue des Sciences de Gestion, Finyear, La Tribune, etc.
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