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Juridique

L’intelligence juridique au service du développement économique

La guerre des droits, pour reprendre le titre d’un article récent[1], se déplace de continent en continent au gré des évolutions géostratégiques du monde.

  • La croissance chinoise a été récemment le théâtre de la confrontation des systèmes juridiques, en particulier entre la « Common Law » et le droit continental, inspiré du Code Civil. Le notariat français qui avait noué, dès les années 1980, des contacts avec le notariat chinois a contribué à l’élaboration des règles juridiques destinées à faciliter les investissements des entreprises étrangères.

Sécurité juridique…

Le développement économique a besoin d’un environnement juridique stable :

  • aussi bien pour l’organisation administrative des pays et de leurs agents dans le cadre des politiques publiques ;
  • que pour les relations d’affaires des entreprises entre elles ou avec celles des États.

Dès lors chacun comprend, selon les principes qui inspirent cet environnement juridique, que les agents économiques, publics ou privés, ne sont pas indifférents à la connaissance et aux habitudes qu’ils ont des dispositifs législatifs ou réglementaires dans lesquels ils aspirent à évoluer.

… et influence

L’influence se mesure à la qualité des concepts qu’elle s’efforce de propager.

  • Le concept de régulation cher au droit continental est propice au développement durable et respectueux des économies locales.
  • Le concept de francophonie économique garantit le respect de la diversité des cultures juridiques des états, voire des droits coutumiers.

Pour le dire autrement, le travail d’influence sera d’autant mieux compris que les concepts qui le portent et les valeurs qui le fondent présenteront un fort degré d’acceptabilité. En ce sens, le droit continental présente toutes les garanties. À chacun, et en particulier à tous ceux qui peuvent jouer un rôle de s’en persuader pour qu’à la guerre des droits succède leur coexistence pacifique.

[1] Olivier de Maison Rouge dans « La Guerre des droits ». Revue Conflits. Hors-série 1H, hiver 2014

À propos de l'auteur

Articles

Notaire à Vertou (44), Vice Président du Conseil Régional des Pays de la Loire et Président de l’Association du Notariat Francophone.
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Bref comparatif des trois principaux règlements d’arbitrage : CIRDI, CNUDCI et CCI

CIRDI, CNUDCI et CCI, des outil(s) de protection en matière d’investissement

Les arbitrages investisseurs/Etats occupent une place non négligeable dans le contentieux arbitral international. Bien souvent, l’investisseur et l’Etat ont le choix du mécanisme de règlement des différends.

Concernant la nature de ces règlements, si les règlements CCI et CIRDI instaurent un arbitrage institutionnel, le règlement CNUDCI prévoit une procédure d’arbitrage ad hoc que les parties mettent en œuvre sans l’administration d’une institution permanente d’arbitrage. Cette différence est fondamentale. Les conséquences qui en découlent sont connues et nombreuses. Elles nous renvoient aux avantages et inconvénients respectifs des arbitrages ad hoc et des arbitrages institutionnels.

Alors que l’arbitrage ad hoc assure une grande flexibilité s’agissant de la procédure, l’arbitrage institutionnel garantit un encadrement qui est souvent un gage d’efficacité. Ainsi, la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale joue un rôle important dans l’arbitrage CCI. Si elle ne tranche pas elle-même les litiges qui lui sont soumis, elle nomme ou confirme les arbitres, administre le déroulement de la procédure et approuve les projets de sentence. L’utilité de l’arbitrage institutionnel doit être soulignée lorsque l’une des parties refuse de participer à la procédure.

Concernant l’objet des différents règlements, les règlements CCI et CNUDCI sont des règlements que l’on peut qualifier de généraux dans la mesure où ils se rapportent principalement à l’arbitrage commercial international.

L’arbitrage CCI se déroule en effet sous l’égide de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale. Quant au règlement CNUDCI, il a été élaboré en 1976 sous l’égide de la Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce International. Ceci dit, ces règlements ne régissent pas uniquement les litiges commerciaux au sens strict.

En effet, le règlement CCI vise la résolution des litiges « intervenant dans le domaine des affaires »[1], et pas uniquement les différends commerciaux. Quant à l’arbitrage CNUDCI, qui bénéficie du label des Nations Unies, il est parfois plus aisé à négocier et plus acceptable pour certains Etats. Il a connu un succès en matière de litiges investisseurs/Etat lors de son adoption par le Tribunal des différends irano-américains, mais également avec la multiplication des traités bilatéraux d’investissement (TBI) qui font souvent référence à l’arbitrage CNUDCI dans leur clause de règlement des différends.

Contrairement aux règlements CNUDCI et CCI, le règlement CIRDI a pour objet spécifique les différends investisseurs/Etats. Il complète les dispositions de la Convention de Washington pour le règlement des différends relatifs aux investisseurs entre Etats et investisseurs, convention adoptée en 1965 sous l’égide de la Banque mondiale. Ainsi s’est créé un mécanisme arbitral autonome et véritablement international qui protège des éventuelles interférences des juridictions nationales.

La compétence du CIRDI est cependant limitée. Pour pouvoir recourir à un arbitrage CIRDI, le différend doit notamment répondre aux quatre conditions énumérées à l’article 25 de la Convention de Washington :

  • Le CIRDI n’est compétent que pour les litiges entre un Etat contractant et un investisseur privé,
  • Ne peut être soumis au CIRDI qu’un différend (i) d’ordre juridique qui (ii) soit en relation directe avec un investissement,
  • Les parties doivent avoir consenti par écrit à soumettre leur litige au CIRDI. Le consentement de l’Etat peut résulter d’un contrat, d’une loi ou d’un traité.

Ces différentes conditions font l’objet d’une abondante jurisprudence arbitrale et sont à l’origine de nombreux débats quant à la compétence des tribunaux arbitraux CIRDI.

Sur le fondement de l’application des règlements, le règlement CCI s’applique principalement lorsqu’ une convention d’arbitrage le prévoit. Peu de traités bilatéraux d’investissements prévoient le recours à un arbitrage CCI. Quant à l’arbitrage CIRDI, il a connu une augmentation intéressante du nombre d’affaires dans les années 1990 du fait en particulier des arbitrages fondés sur les TBI. Il  convient de préciser que bien souvent les TBI ne prévoient pas un seul type d’arbitrage mais plusieurs au choix de l’investisseur.

[1] Article 1 du règlement CCI.

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Juridique

La sûreté et la sécurité dans l’espace maritime de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale

Eléments constitutifs du socle juridique

Face à la menace de piraterie maritime dans les eaux du Golfe de Guinée, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a adopté la résolution 2039 du 29 février 2012 exhortant la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) et la Commission du Golfe de Guinée (CGG) à œuvrer conjointement pour l’élaboration d’une stratégie régionale de lutte contre la piraterie, les vols à main armée et les autres activités illicites commis en mer.

En réponse, la CEDEAO, la CEEAC et la CGG[1] se sont entendus sur un code de conduite le 25 juin 2013 de nature transitoire en vue de faciliter l’adoption d’un accord multilatéral contraignant ultérieur. Un mémorandum d’entente a de surcroît été rédigé et les chefs d’Etat et de gouvernement ont adopté et signé une Déclaration sur la sûreté et la sécurité dans l’espace maritime commun dite « Déclaration de Yaoundé », dont l’objet est d’organiser une coopération au niveau régional pour sécuriser l’espace maritime de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale.

La coopération se concrétise en plusieurs formes.

Sur le plan informationnel, les pays concernés élaborent des critères uniformes de notification afin d’évaluer communément la gravité d’une menace. Chaque pays signataire désigne un point de contact national qu’il charge de faciliter l’échange coordonné, efficace et en temps voulu d’informations entre les signataires. L’objectif est que chaque point de contact désigné puisse être capable, à tout moment, de recevoir des alertes et des demandes de renseignements ou d’assistance et d’y répondre.

Après l’adoption de définitions communes essentielles[2], les pays signataires ont entendu adopter un socle juridique commun en transposant en droit interne les actes criminels transnationaux dans le domaine maritime prévus dans le code de conduite. L’objectif est alors de garantir que ces actes soient, par l’ensemble des législations nationales, incriminés, poursuivis et réprimés.

Il y a, par ailleurs, un véritable souci d’unir les pays signataires tout au long de la procédure. Ces derniers entendent, dans toute la mesure du possible, mener et appuyer la conduite d’enquêtes dans les cas d’actes criminels transnationaux. A ce titre, ils reconnaissent que l’Etat du pavillon, celui de l’origine supposé des auteurs du délit, celui dont les personnes à bord sont ressortissantes et celui du propriétaire de la cargaison ont des intérêts légitimes à connaître la situation. Les Etats signataires devront alors assurer la liaison et la coopération avec les Etats précités.

Enfin, une coopération est également mise en place dans le domaine de la formation. Au partage de renseignements sur les cursus et les cours s’ajouteront la tenue de conférence transnationale et le regroupement de certains centres de recherches maritimes.

Les pays signataires doivent cependant s’acquitter de leurs obligations et de leurs responsabilités au titre du code de conduite d’une manière compatible avec les principes d’égalité souveraine et d’intégrité territoriale des Etats et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres Etats. Il est signalé que le règlement des différends découlant de la mise en œuvre du code de conduite doit s’effectuer par la voie de consultations et par des moyens pacifiques.

Les Etats parties souhaitent par ailleurs s’inscrire dans une coopération renforcée en mutualisant les moyens à disposition dans le but d’arrêter les personnes qui ont commis des actes de piraterie ou que l’on soupçonne raisonnablement d’en avoir commis ainsi que de mener l’enquête à leur sujet et de les traduire en justice.

A cet effet, ils se sont engagés à unir leurs efforts afin de détecter toutes personnes qui ont commis ou sont raisonnablement soupçonnées d’avoir commis des actes criminels transnationaux organisés dans le domaine maritime ainsi que tous navires ou aéronefs pirates dont il y a de sérieuses raisons de soupçonner qu’ils se livrent à la piraterie.

Les pays signataires de l’accord entendent coopérer pour réprimer les actes criminels transnationaux organisés dans le domaine maritime. A ce titre, ils encourageront les propriétaires de navires et les exploitants de navires à prendre des mesures de protection.

La coopération visant à renforcer les capacités peut consister en l’apport d’une assistance technique, telle que des programmes pédagogiques et de formation, en vue de mettre en commun les données d’expérience et les meilleures pratiques.

En vue de promouvoir les opérations de sécurité et de sûreté, un pays signataire peut désigner des agents des forces de l’ordre qui embarqueront à bord de navires ou d’aéronefs patrouilleurs d’un autre pays signataire avec l’autorisation de ce dernier. Les officiers embarqués peuvent autoriser les navires des forces de l’ordre à bord desquels ils sont embarqués à mener des patrouilles dans les eaux du pays dont ils ont la nationalité. Ces officiers peuvent, de même, appliquer les lois du pays de leur nationalité afin de réprimer les actes criminels.

La coopération a cependant des limites puisqu’aucun pays signataire ne pourra poursuivre un navire soupçonné d’avoir commis un acte de piraterie dans le territoire ou la mer territoriale d’un autre Etat sans y avoir été autorisé par ce dernier.

[1] Les pays signataires : Angola, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Libéria, Mali, Niger, Nigeria, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Sierra Leone, Tchad et Togo.

[2] Les définitions portent notamment sur les notions de « piraterie », « vols à main armée à l’encontre des navires », « actes criminels transnationaux organisés dans le domaine maritime » et « navire pirate ».

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Juridique

De L’OHADA à l’OHADAC

Un contrepoids à l’influence du Common Law ?

Prenant acte du succès considérable du programme d’unification du droit des affaires engagé en Afrique dans le cadre de l’OHADA (« Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires »), un nombre important des Etats de la zone Caraïbe ont engagé leur réflexion sur la mise en place d’un système similaire de droit des affaires harmonisé (OHADAC), dont l’objectif est de promouvoir les échanges et l’intégration régionale dans l’ensemble des Caraïbes, en ce compris l’intégration juridique des territoires afin de faciliter l’activité des entrepreneurs caribéens au coeur du développement économique et social de cette zone, de rassurer les investisseurs étrangers demandeurs de sécurité juridique, et de doter les Etats d’instruments juridiques fiables favorisant la croissance économique.

Ce projet est sans précédent car il s’adresse à un territoire à la fois très vaste par son étendue mais très morcelé au niveau géographique, linguistique, culturel et bien entendu juridique. Le projet OHADAC concerne en effet 33 Etats bien au-delà des frontières du CARICOM/CARIFORUM, puisqu’il s’adresse à l’ensemble des Etats insulaires des Caraïbes ainsi que les régions côtières, et notamment le Mexique, le Venezuela, la Colombie, le Costa Rica. Or, les Etats de la Caraïbe appartiennent à différentes familles juridiques (Common Law et civiliste), et l’harmonisation caribéenne se heurte à des obstacles plus importants encore tels que les traditions judiciaires différentes, un défaut de sources documentaires, une ignorance des différents systèmes juridiques coexistant parfois sur des territoires minuscules, etc.

Le projet OHADAC comporte un volet législatif et un volet réglementaire des litiges puisqu’un centre d’arbitrage OHADAC doit voir le jour courant 2018. Dans son volet législatif, l’ambition de l’OHADAC est d’harmoniser le droit des affaires.

L’OHADAC évoluera dans une dimension différente de celle des Afriques de l’Ouest et Centrale, mais si son champ d’application géographique et matériel différent est sans aucun doute un élément majeur à considérer dans la recherche d’un droit uniforme des affaires dans la région Caraïbe, il constitue également un laboratoire intéressant pour l’analyse du combat des normes juridiques qui se développe actuellement dans notre société. L’influence de la norme Common Law dans la pensée juridique contemporaine peut-elle être contrebalancée par l’apparition de grandes zones de droit harmonisé dans un cadre civiliste ? En l’état actuel du projet, seules des réflexions provenant d’une recherche d’adaptation des principes et méthodes mis en oeuvre pour l’élaboration du système OHADA peuvent être engagées, dans la perspective d’adopter un projet cohérent pour l’harmonisation du droit des affaires dans la Caraïbe. Les techniques mises en oeuvre en Afrique pourront-elles être utilisées dans ce contexte ? Il s’agit là d’une question majeure que soulève le projet OHADAC.

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