Point de vue des économistes

En 2018, les bulles vont-elles enfin se dégonfler ?

Flambée boursière a priori inextinguible des deux côtés de l’Atlantique, valorisation extravagante des GAFAM et surtout de nombreuses entreprises du numérique n’ayant jamais réalisé le moindre profit, taux d’intérêt obligataires anormalement bas, euro à 1,20 dollar, explosion de la dette privée en Chine, engouement écervelé pour le bitcoin et les cryptomonnaies, cours immobiliers historiquement élevés à Paris. A l’évidence, les anomalies financières ne manquent pas.

Pourtant, en dépit du bon sens, des avertissements et des règles de base de l’économie, la quasi-totalité des investisseurs, des régulateurs, des économistes et des observateurs en tout genre des marchés financiers trouve cela tout à fait normal et se refuse à parler de « bulles ».

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Point de vue des économistes

L’Alliance du Pacifique : vers nouveaux horizons économiques internationaux

L’Alliance du Pacifique rassemble les principales économies latino-américaines. Regroupant le Chili, le Pérou, la Colombie et le Mexique, cette communauté économique ne cesse de se développer depuis sa création le 28 Avril 2011 dans le cadre de l’Accord du Pacifique, établi au Pérou. L’Argentine et l’Equateur sont désormais membres observateurs au même titre que la France , l’Allemagne, l’Amérique du Nord, la Turquie, la Chine ou l’Inde.

Cela signifie que se joue là aussi, un positionnement économique important, permettant non seulement de développer et renforcer une présence sur un continent qui est très attendu en 2018 mais aussi vers le Pacifique.

Pour la France, il s’agit de marquer une présence économique auprès des membres fondateurs de cette Alliance, qui disposent de fonds souverains et d’une volonté d’intégration économique.

L’élection en Décembre 2017, de M. Sébastien Pinera à la Présidence de la République du Chili renforce à terme cette logique : le plan stratégique d’infrastructures porte autant sur le développement interne que sur l’ouverture de nouvelles perspectives notamment dans la fibre optique, les communications terrestres (routes, le ferroviaire). Dans le courant de l’année, les élections présidentielles en Colombie mais également au Mexique permettront de donner une nouvelle impulsion politique au projet économique de l’ensemble.

En effet, l’Alliance du Pacifique a pour objectif d’approfondir l’intégration des économies des pays membres et de renforcer la relation avec le Pacifique sur la base d’accords commerciaux bilatéraux. Selon la Déclaration de Lima, l’objectif de cette coopération est d’encourager l’intégration régionale, au service de la croissance, du développement et de la  compétitivité des économies concernées afin de créer une zone de libre échange par la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes.

L’Alliance du Pacifique constitue la seconde grande structure d’intégration d’Amérique latine, aux côtés du Mercosur. Consolidation de l’espace économique, renforcement de la logique d’intégration et recherche de nouveaux espaces économiques et d’exportations ont constitué ces dernières années les priorités de l’alliance du Pacifique.

2018 va offrir l’opportunité de s’engager dans un dialogue avec le Mercosur. L’Argentine que préside M. Mauricio Macri, qui a fait une grande partie de sa carrière dans le privé, est un signe fort. Le Brésil, au lendemain des prochaines élections présidentielles , pourrait s’inscrire dans cette logique et donner ainsi le signal d’un retour par la voie économique sur le continent latino-américain. Le Chili s’investit en Amérique latine mais regarde aussi d’autres destinations vers le Pacifique, notamment la Polynésie française qui est elle même à la recherche de relations avec ce pays d’Amérique du sud.

Cette ligne stratégique économique n’est pas anecdotique : elle constitue pour ce continent le moyen d’exister par lui-même à l’heure où de nouveaux partenaires marquent leur intérêt et présence : la Chine bien entendu qui occupe une position désormais leader en terme d’investissements et de part de marchés export, notamment au Brésil, en Colombie, au Pérou.

La Turquie a marqué sa volonté de nouer des liens commerciaux avec les pays latino-américains. La visite historique du Président Recep Erdogan au Chili et au Pérou (en plus de l’Equateur) en Janvier 2016, avec une délégation d’une centaine d’entrepreneurs, n’est pas passée inaperçue.

La France, et avec elle, l’espace francophone a un rôle à jouer. Le savoir faire notamment dans le domaine des infrastructures, adossé au secteur des travaux publics, l’excellence dans le domaine des technologies de pointe (défense, air, espace, numérique) et les services, constituent autant d’atouts dans un environnement concurrentiel mais ouvert aux initiatives nouvelles. L’Alliance du Pacifique représente un marché de près de 200 millions d’habitants tandis que les Etats membres constituent 55 % des exportations latino-américaines.

Elles représentent 35 % du PIB de l’Amérique latine. Les deux seuls pays latino-américains membres de l’OCDE, le Mexique et le Chili, font partie de l’Alliance du Pacifique. La Colombie est très engagée dans le processus d’adhésion.

Autant dire que le positionnement économique de ces pays va se consolider sur la scène internationale, leur procurant d’autant plus de force en Amérique latine. Si le Mercosur (qui regroupe le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay et le Vénézuéla (actuellement suspendu) est apparu depuis sa création en 1991 comme une initiative dynamique, la donne a changé depuis quelques années.

Les alternances politiques en Argentine, au Brésil, et dernièrement au Chili, ouvrent une porte à une approche plus pragmatique, favorable au libre échange et donc, plus compatible avec les objectifs de l’Alliance du Pacifique. Ceci étant, l’idée d’une fusion reste à ce jour, lointaine et hypothétique tant l’approche en faveur du libre échange est avancée avec les économies de l’Alliance du Pacifique par rapport à celles du Mercosur.

Ouvrir et garantir de nouveaux marchés pour les économies de l’Alliance du Pacifique est une priorité notamment dans le cadre de l’accord transpacifique qui a été mis à mal en 2017 par les Etats-Unis. Le resserrement des liens notamment avec la Chine et la Corée du Sud est une conséquence de cette situation, tandis que la relation avec l’Union européenne peut bénéficier d’une nouvelle dynamique grâce aux perspectives positives de l’Alliance du Pacifique.

Source : Alliance du Pacifique

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Point de vue des économistes

L’Afrique : vers le retour de nouvelles perspectives économiques

Le XXIème siècle doit être celui de l’Afrique. Une croissance démographique qui conduit à un doublement de la population du continent d’ici 2050, des besoins exponentiels afin de répondre aux besoins en matière d’accès à l’énergie, à la mobilité, à l’internet, tout portait à penser que l’Afrique allait gagner sa place dans un monde ouvert, marqué par la compétition économique et une offre de plus en plus diversifiée. Force est de constater que les années passées ont été contrastées tant en terme de croissance économique, qu’en terme de développement humain tandis que la pression sécuritaire semblait jeter une ombre sur l’Afrique.

            Les indicateurs économiques depuis 2017, et pour 2018 voire 2019 font apparaître une inversion de la tendance : la croissance du PIB de l’Afrique était de 2.4% en 2017. Elle avoisinera les 3.4% en 2018, 4% en 2019. Elle était de 1.3% en 2016. Certains pourront douter de l’homogénéité de l’optimisme économique en rappelant que les économies du Nigéria, de l’Afrique du Sud, de l’Ethiopie, et des pays de l’UEMOA tirent cette croissance. Mais elle marque sans doute un tournant dans un continent où si le secteur agricole a retrouvé des couleurs, les entreprises concernées par l’adaptation à la préservation environnementale et l’implantation de l‘e-économie constituent des secteurs porteurs dans un environnement international transformé.

La Chine, les Etats du Golfe arabique, la Russie, l’Inde, constituent autant de pôles d’influence nouveaux ou restaurés. Tout comme les Etats-Unis ou l’Union européenne, ils entendent acquérir ou renforcer les instruments d’une présence internationale. Pour y parvenir, ils se dotent non seulement des instruments de défense naturels à cette puissance, mais acquièrent et maîtrisent les technologies indispensables pour peser sur les affaires du monde. Les pays émergents sont désormais au nombre de 65. Ils étaient 12 en 1990. Ils représenteront 60% du PIB mondial en 2030.

Et l’Afrique n’est pas en reste. Le Maroc, l’Algérie, l’Egypte, l’Afrique du Sud, le Mozambique, la Namibie, l’Angola, le Botswana, l’Ethiopie, la Tanzanie, le Nigéria, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Bénin ou le Ghana portent, avec d’autres, haut les couleurs d’une Afrique qui se relève.

L’Afrique est parvenue à démultiplier ses échanges commerciaux avec de nouveaux pôles de puissance, au premier rang desquels la Chine bien entendu. Mais le Brésil, l’Inde, certains Etats du Golfe arabique ne sont pas en reste. Il est vrai que les perspectives macro-économiques restent spectaculaires : l’Afrique retrouve les voies de l’essor économique après un ralentissement au début de la décennie.

En 2030, les pays riches représenteront 38% de la production mondiale. Leur part était de 62% en 2000. La part des pays non membres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) au PIB mondial sera alors de 57% contre 49% actuellement.

L’Afrique est entrée de plein pied dans la mondialisation. Les échanges sud-sud, Chine-République démocratique du Congo par exemple, ou Kenya-Golfe arabique, ont été multipliés par 10 depuis 1990. Les échanges au niveau du monde l’ont été pendant la même période, par 4. La Banque mondiale évalue à près de 93 milliards de dollars par an, les besoins en infrastructures du continent durant la décennie qui s’annonce. Il est plus que temps de définir une stratégie industrielle fondée sur un partenariat avec l’Afrique si nous voulons participer au changement africain du XXIème siècle.

Cette croissance est favorisée par une démographie très forte : le continent africain va multiplier par deux son nombre d’habitants au cours des quarante prochaines années. La population africaine est de 900 millions d’habitants aujourd’hui. Elle en comptera 1.8 milliards en 2050. Un milliard de personnes vivront alors, dans les villes. Ce sont déjà près de 40 villes de plus d’un million d’habitants qui se développent. Des mastodontes comme le Caire, Lagos, Kinshasa constituent autant de moteurs régionaux permettant d’accompagner les villes de demain.

Un tiers des Africains seront considérés comme solvables économiquement d’ici à 2050, proches des « classes moyennes » telles qu’elles sont définies en occident. Bien entendu, les marchés qui pourraient s’ouvrir aux entreprises sont à la hauteur de ces défis. Autant dire que les besoins portant sur la gestion urbaine, comme l’assainissement des eaux ou la gestion des déchets sont énormes. Que dire des exigences en matière de mobilité et des transports urbains ? Avons-nous conscience des infrastructures dont l’Afrique aura besoin pour satisfaire la demande sur le plan énergétique ? Déjà, ce sont 30% du potentiel hydroélectrique mondial qui se trouvent en Afrique. Il est plus que temps de définir une stratégie industrielle fondée sur un partenariat avec l’Afrique si nous voulons participer au changement africain du XXI ème siècle.

Enfin et surtout devrions-nous dire, la dette des Etats africains représente 50% de leur PIB. Elle est, aux Etats-Unis et en Europe, de plus de 80% du PIB ! Cela signifie que les Etats disposent d’une marge encore suffisante pour financer leurs grands projets d’infrastructures. La demande de formation technique et professionnelle ne peut qu’augmenter. Une main d’œuvre qualifiée peut naître de cette révolution qui se répand sous nos yeux. Que ce soit à Dakar, Ouagadougou, Nairobi, Le Caire, Kigali, Luanda ou Johannesburg, partout la volonté de participer à la vague numérique et à la course aux infrastructures côtoient la fierté d’une identité assumée et retrouvée.

La France a raison de vouloir accompagner les efforts de l’Afrique visant à acquérir une place légitime au sein des institutions mondiales. Un partenariat politique est à inventer. Contribuer à faire du développement africain un modèle notamment en matière de lutte contre le réchauffement climatique, est une ambition à portée de main. Pour y parvenir, nous devons tous comprendre que les marchés en expansion de l’Afrique, constituent une chance pour nos entreprises. Cette conscience côtoie les priorités que sont l’emploi, la formation professionnelle et l’enseignement technique. L’harmonisation fiscale entre les pays est un objectif qui deviendra important dès lors que les coopérations régionales se développeront.

Il ne s’agit pas, pour autant, d’être naïf. Des problèmes en matière de sécurité perdurent. Des menaces comme la présence de mouvements terroristes dans la bande du Sahel, au Nord du Nigéria, la piraterie notamment dans l’Océan indien ou le Golfe de Guinée, un trafic de drogue agressif, existent. Des conflits ou des tensions perdurent, notamment dans l’Est du géant congolais, dans l’Ouest du Soudan ou dans les sables du Sahara.

La gouvernance reste dans certains pays, un problème de fond. Mais désormais, une fierté africaine apaisée et retrouvée, a complété les efforts longtemps portés par des hommes et des femmes d’exception comme le Sud-africain Nelson Mandela, le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, la Kenyane Mangari Maathaï ou le Ghanéen John Agyekum Kufuor.

L’Afrique devient un marché d’avenir. Lui est-il possible de ne pas reproduire les schémas du passé ? L’Afrique est-elle condamnée à exploiter des matières premières sans en contrôler le prix et les voir transformées et manufacturées ailleurs ? A elle de se mobiliser pour rompre ce cycle.

L’émergence d’une demande intérieure et d’une politique industrielle pour certains d’une part, la dotation d’infrastructures pour amorcer une consommation nouvelle par ailleurs, peuvent accompagner une meilleure distribution des richesses tout en assurant un retour de l’Etat dans l’unité nationale pacifiée au sein d’un continent d’avenir.

Source : www.cartograf.fr/continent-afrique

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Point de vue des économistes

Un monde de bulles...

Le Dow Jones à près de 25 000 points, le Nasdaq à 7 000 points (dans les deux cas des nouveaux sommets historiques), des taux d’intérêt négatifs pour les obligations de l’Etat français jusqu’aux échéances de cinq ans, le bitcoin à 20 000 dollars…

Soyons honnêtes et réalistes, ayons le courage de l’écrire : face à de telles évolutions, nous sommes complètement dépassés. Non seulement parce qu’à l’instar de la très grande majorité des prévisionnistes, économistes et analystes en tous genres, nous n’avions pas prévu de tels excès, mais aussi parce que nous avouons humblement que nous ne comprenons pas, dans le sens épistémologique du terme, de tels phénomènes.

Evidemment, l’envolée des marchés boursiers et obligataires peut en partie s’expliquer par le caractère extrêmement accommodant des politiques monétaires à travers le monde et par la profusion de liquidités gratuites, notamment au sein de la zone euro, du Japon et du Royaume-Uni.

De même, la flambée inextinguible du cours du Bitcoin tient notamment au fait que plus de 90 % des bitcoins sont détenus par 5 % des intervenants sur ce marché, qui est ainsi devenu l’une des plateformes privilégiées du blanchiment de l’argent sale à l’échelle planétaire. Dès lors, tant que les autorités financières internationales n’auront pas légiféré, rien ne semble pouvoir stopper cette dangereuse spéculation.

C’est d’ailleurs parce qu’elles sont en partie explicables que de nombreux observateurs des marchés n’osent toujours pas qualifier ces évolutions extravagantes par le terme de bulle. Pourtant, tel est bien le cas. En effet, une bulle est tout simplement un écart cumulatif et auto-entretenu entre la valeur financière des actifs financiers et leur valeur réelle, c’est-à-dire celle correspondant à la réalité économique. Si l’excès de liquidités mondiales a participé à alimenter cette bulle, il ne peut cependant aller à l’encontre d’une loi physique incontournable : les arbres ne montent pas au ciel.

Et même si le ciel est très haut, les niveaux actuellement atteints par le Dow Jones et le Nasdaq défient l’entendement. Et pour cause : normalement les variables boursières doivent refléter une réalité économique concrète. Ainsi, la corrélation historique entre le Dow Jones et la croissance mondiale indique que pour justifier l’atteinte des 24 000 points par le premier, la seconde doit dépasser les 8 %.

Or, dans le meilleur des cas, elle sera d’environ 3,5 % en 2017. Ce qui restera une excellente performance, mais insuffisante pour valider définitivement la récente flambée des indices boursiers internationaux. Et ce d’autant que les risques politiques, économiques et financiers sont pléthore et surtout que la croissance mondiale va forcément ralentir en 2018.

Tout d’abord, la croissance chinoise va logiquement décélérer vers 6 %. Le problème est que, depuis une vingtaine d’années, la contribution de la Chine à la croissance mondiale oscille entre 30 et 50 %. Dès lors, si la locomotive de la planète freine, l’ensemble du train ne peut que suivre. Et ce d’autant qu’il n’existe pas d’alternative crédible. L’inde n’est pas suffisamment puissante et a dernièrement fait preuve d’une certaine fragilité, le Brésil, l’Argentine et la Russie vont mieux mais restent également fragiles. Quant aux Etats-Unis, ils ne parviennent plus à réaliser une croissance durablement supérieure à 2,5 %. Enfin, la zone euro, en dépit de soutiens exceptionnels et une fois l’effet de rattrapage passé, elle peinera à dépasser les 2 % de croissance.

Dans ce cadre, le ralentissement de la croissance mondiale apparaît inévitable. Il ne sera certes pas dramatique mais, cette dernière devrait passer d’un niveau moyen de 3,5 % depuis une trentaine d’années à environ 3,1 % en 2018, voire un peu moins en 2019. Face à ce ralentissement, les marchés boursiers doivent donc logiquement corriger leurs excès. Selon nos estimations, ils devraient baisser d’au moins 15 % au cours des prochains mois, avec, parallèlement, une volatilité extrême. Bien entendu, plus la bulle ira loin, plus cet ajustement baissier sera fort. En conclusion, nous rappellerons cet adage de bon sens : mieux vaut prévenir que guérir.

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Point de vue des économistes

Est-ce bientôt la fin du « roi dollar » ?

Régulièrement depuis une trentaine d’années, la rumeur se répand comme une tâche d’huile : l’époque du « roi dollar » est révolue. A chaque fois, c’est la même rengaine : plombés par des déficits abyssaux, affaiblis par les crises économiques successives, les Etats-Unis n’ont plus le choix et vont devoir abandonner le dollar étalon. Pourtant, à chaque fois, tel le Phénix, le billet vert renaît de ses cendres et ne laisse aucune chance à ses soi-disant concurrents potentiels.

Cette chronique d’une mort annoncée qui n’a finalement pas lieu commence avec la guerre du Vietnam. A l’époque, le dollar constitue « l’étalon-or » du Système Monétaire International (SMI) dans la mesure où il est complètement convertible en or. Seulement voilà, la « planche à billets » a été utilisée à plein si bien que la quantité de dollars en circulation à travers le monde dépasse largement la valeur du stock d’or de la Réserve fédérale américaine. Coupant l’herbe sous le pied à toutes les spéculations, l’Oncle Sam va décider de la fin de la complète convertibilité du dollar en or. En pleine guerre froide et étant toujours étroitement liés à la puissance économique, politique et militaire des Etats-Unis, l’Europe et le Japon sont obligés d’accepter. Ce qui permettra au secrétaire d’Etat au Trésor américain de l’époque, John Connelly, de lancer sa fameuse sentence : « le dollar c’est notre monnaie et votre problème ».

Une quinzaine d’années plus tard, bis repetita. Entre temps, deux chocs pétroliers, une phase de stagflation et l’aggravation des déficits américains ont fait naître les mêmes craintes : les jours de l’étalon dollar sont comptés. Et ce d’autant qu’à la différence de 1971, il existe désormais un concurrent sérieux aux Etats-Unis et au dollar, à savoir le Japon et le yen. Sûrs d’eux, les Japonais, n’hésitent pas à apprécier fortement leur devise, commettant une erreur fondamentale qui les plongera dans une crise de déflation sans précédent. A l’inverse, modernisés par l’ère Reagan, les Etats-Unis connaîtront une phase historiquement longue de croissance soutenue à partir de la fin 1991 et renforceront l’hégémonie du dollar.

Seule ombre au tableau dans le ciel azur du billet vert : la création de l’euro en 1999. Certains, votre serviteur y compris, se mettent alors à rêver : et si la monnaie unique européenne était enfin la devise capable de concurrencer le dollar ? Les Américains en sont conscients et se lancent dans un mouvement massif d’appréciation, qui portera le billet vert autour des 0,83 pour un euro de la fin 2000 au début 2003. La place du dollar dans les transactions mondiales et dans les réserves de changes internationales s’en trouve confortée, respectivement 50 % et 70 %, niveaux qui perdurent encore aujourd’hui.

La vie des marchés étant un éternel recommencement, la spéculation autour de la fin de l’hégémonie du dollar va reprendre de plus belle lors de la crise de 2008-2009. Mais, comme d’habitude, il n’en a rien été. Enfin, plus dernièrement, les rumeurs récurrentes de destitution de Donald Trump ont réactivé la menace. Mais, une fois encore, il n’en sera rien.

En effet, il n’existe toujours pas de concurrent sérieux au dollar. Certes, le yuan en a potentiellement les moyens, mais les Chinois ne sont pas encore prêts, tant économiquement que financièrement. Ils n’y ont d’ailleurs pour le moment aucun intérêt, car un yuan trop cher pourrait casser leur croissance à l’instar du yen surévalué pour le Japon il y a vingt-cinq ans. En outre, avec 3 090 milliards de dollars de réserves de changes et des bons du Trésor américains en quantité pléthorique, une trop forte baisse du dollar serait une catastrophe pour la valorisation des actifs chinois libellés en dollar. Autrement dit, en dépit d’une opposition de façade, les Américains et les Chinois feront tout pour que rien ne change.

En conclusion, personne n’a aujourd’hui intérêt à la fin du rôle central mais aussi stabilisateur du dollar au sein du SMI. Car lorsque cela se produira, la planète connaîtra une crise bien plus grave et durable que celle que nous avons connue en 2008-2009. Alors, de grâce, chaque crise en son temps, si possible avec un intervalle d’au moins quinze ans, histoire de souffler un peu…

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