Langue française

Boycott et boycottage

Refusant obstinément de baisser ses loyers, le grand propriétaire terrien irlandais Charles C. Boycott, à l’automne de 1880, ne se doutait pas que son nom passerait à la postérité et dans la plupart des grandes langues. Il fut en effet mis en quarantaine par ses fermiers, bien résolus à le faire céder. La presse anglaise s’empara de l’affaire, formant le verbe to boycott, qui passa presque aussitôt en français, sous la forme boycotter, ainsi que dans les autres idiomes européens. Le fait traduit bien la montée en puissance du journalisme à la fin du XIXe siècle,

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Chômage

À partir du mot grec kauma, « la chaleur », le bas latin a formé le verbe caumare, qui signifiait « se reposer durant une forte chaleur ». Ce verbe a donné l’ancien français chomer, souvent écrit avec deux m, dont on a tiré, à l’aide du suffixe agentif –age, le substantif chômage.

Dans l’ancienne langue, le chômage c’est d’abord le fait de ne pas travailler volontairement. Plus précisément, on désigne ainsi la suspension des travaux, pour des raisons religieuses, le dimanche et les jours de fête. Cette signification est encore perceptible je crois, dans l’expression courante ne pas chômer, au sens de « travailler beaucoup » : « eh bien hier, je n’ai pas chômé ». Et les jours chôméss’opposent toujours, dans la nomenclature officielle, aux jours ouvrés, c’est-à-dire œuvrés.

Pas dérivation, le terme a désigné le fait de « rester improductif », involontairement donc, de par les conditions climatiques ou autres. On parle par exemple du chômage d’un moulin en période de basses eaux.

C’est au XIXe siècle, à la suite de la révolution de 1848, que le terme acquiert son sens moderne, économique et politique. Chômage prend alors le sens de « manque de travail pour quelqu’un qui en a besoin » ; d’où les dérivés chômeur et chômeuse, et les locutions chômage partiel, chômage technique, chômage structurel. Le mot comme la chose sont malheureusement devenus d’usage courant.L’histoire du mot est claire, mais pas sa graphie. Comment expliquer l’accent circonflexe sur la voyelle o ? Je l’ai dit, le terme s’écrivait souvent avec un double m : il entre ainsi, sous la forme chommage, dans la 2e édition du dictionnaire de l’Académie française. Dans la quatrième édition (1762), la Compagnie supprime ce m double et introduit un circonflexe sur l’o. Cet accent marque-t-il la disparition de la consonne ? Traduit-il une prononciation longue / chau-mer / ? On n’en sait rien et l’Académie ne s’est pas expliquée. Elle distribuait beaucoup d’accents circonflexes à l’époque ; on voit qu’elle n’a pas chômé.

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Confinement et déconfinement

Le latin finis désignait l’extrémité. A l’aide de cum, « avec », le latin avait formé confinium, qui se disait des limites d’un champ.

Le français en a tiré confins, généralement employé au pluriel, pour désigner des terres situées à l’extrémité : aux confins de la Chine. 

On en a fait le verbe confiner, au sens étymologique de « se trouver à la limité » : le Brésil confine à la France. (Et oui ! la Guyane…). Puis le verbe a pris la signification de « placer dans des limites », d’où « forcer à rester dans un espace limité » : ce romancier se confine dans son bureau.

Le déverbal de confiner est confinement, qui fut longtemps un terme pénitentiaire : le confinement des forçats. Depuis la fin du XXe confinement est passé dans le vocabulaire de la médecine, pour désigner l’interdiction faite à un malade de quitter la chambre : un médecin prescrit le confinement.  Plus récemment encore, il désigne une procédure de sécurité plaçant toute une population dans des espaces clos (par exemple le domicile), afin de la protéger d’un nuage nocif ou d’une maladie infectieuse. 

La pandémie de coronavirus a fait entrer ce terme dans la langue courante. On en a pour preuve la facilité avec laquelle on a formé déconfinement et déconfiner, pour désigner le fait et l’action de sortirdu confinement. Ces mots tout neufs, d’emploi général, ne sont pas encore dans les dictionnaires. Qu’ils y entrent au plus vite, pour saluer ce bel exemple de créativité lexicale.En attendant, hum… le reconfinement ! Et avant qu’on nous autorise à nous redéconfiner…

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Métier et profession

Métier et profession ne sont pas synonymes. Pour les distinguer, ayons recours à l’étymologie.

Métier provient du latin ministerium ; ce mot, dont on connaît par ailleurs le calque savant ministère, désignait le « service ». Être métier en ancien français signifiait « être utile ». Il y a dans métier une notion d’utilité, voire de technicité. N’oublions pas, d’ailleurs, que le terme peut désigner une machine : le métier à tisser

Le métier est donc une activité, souvent manuelle, utile à la société et dont on tire ses moyens d’existence. C’est le mot courant, synonyme de boulot, de gagne-pain : il n’y a pas de sot métier ! C’est une compétence que l’on acquiert (les ficelles du métier) et que l’on prouve : ce peintre a du métier

Le mot profession à une tout autre origine. Il a été emprunté au latin professio, lequel signifiait « déclaration publique ». C’est la signification première de notre terme, que l’on rencontre encore dans la profession de foi d’un candidat.

Professer, c’est donc se déclarer publiquement, se donner comme, affirmer une croyance ou un état. On passe ainsi au rôle que l’on entend jouer dans la société. Il y a dans profession une idée de fonction sociale ; c’est l’activité habituelle d’un individu, dont il tire ses revenus mais surtout par laquelle il joue un rôle en société.

On comprend que profession soit moins technique que métier, plus administratif (« âge et profession ! ») et souvent plus noble. On parle de la profession de médecin, des professions libérales.Fonction sociale, donc, opposée à activité concrète : Pierre a choisi d’exercer la profession de chef d’entreprise ; c’est souvent un dur métier !

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Dissous, dissoute ; absous, absoute

En fait ils sont trois mousquetaires, trois dérivés du vieux verbe soudre, du latin solvere, qui signifiait « payer, acquitter, délier » (pensons à solvable).

Résoudre est le plus simple ; il se conjugue assez normalement. Subjonctif présent : je résolve, passé simple : je résolus ; subjonctif imparfait : je résolusse. Son participe est également régulier : résolu(e). 

Mais il s’agit d’un participe refait ; on disait dans l’ancienne langue résous et résoute. On parle encore régionalement en France, et au Québec d’un homme résous, pour signifier qu’il est « décidé, hardi ».

Résoudre fonctionnait donc exactement comme dissoudre et absoudre. Comment ces derniers forment-ils leurs participes ? Bizarrement :

  • au masculin, à partir d’une forme du latin vulgaire, en – solsus. D’où les formes dissous et absous ;
  • au féminin, à partir de la forme du latin classique, en – soluta, devenu –solta. Par suite : dissoute et absoute.  

Telles sont les formes normales du participe passé, distinctes des adjectifs refaits, et dont le sens est fort différent : dissolu et absolu.

Ce ne sont pas les moindres difficultés des verbes dissoudre et absoudre, dans la conjugaison est devenue fort difficile : je dissolvej’absolusse, etc.

Nous ne sommes pas les seuls à nous y perdre. Guillaume Apollinaire a risqué un absolvit, Gérard de Nerval a laissé échapper un absolva, Montherlant un dissolvèrent ; et Victor Hugo un étonnant subjonctif : jusqu’à ce qu’il s’en aille en en cendre et se dissoude.

Que ces maîtres de la langue se soient dissous dans cette conjugaison, c’est plutôt rassurant ; nous sommes absous.

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