Langue française

Une réduction est exclue, car la taxe est incluse


 Le verbe exclure a pour participe exclu (sans s), au rebours du verbe inclure. Voilà bien une des singularités de la langue française ; rassurons-nous, elle n’en manque pas.

Et le plus étonnant : c’est exclu, sans s, qui est anormal.

Commençons par inclure. Il provient du latin includere, formé sur claudere, qui a donné clore. Inclaudere c’est donc « fermer à l’intérieur ». Son participe passé était inclusus,

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Langue française

Compter, sans s’en laisser conter


L’orthographe française, au rebours de l’italienne, par exemple, n’a pas pour seule (ou principale) mission de transcrire les sons. L’évolution phonétique du français, langue romane germanisée, ayant produit dans cette langue de nombreux homonymes, on tend à les distinguer par la graphie. Il arrive même que l’orthographe distingue les deux emplois principaux, et fort distincts, du même verbe ; c’est le cas pour compter et conter.

Tout commence avec le latin computare. Il a donné un ancien français compter, écrit tout simplement conter, et qui signifiait « calculer » : on compte son argent. De « calculer » on est passé au sens de « considérer » (tout bien compté), puis à celui de « prêter attention à » : elle ne compte pas pour lui. Cette idée de calcul se retrouve dans les dérivés : compteur, comptable, comptant (payer comptant).

Le latin computare avait pris à l’époque médiévale un sens nouveau. À partir de « calculer », on était passé à « énumérer », puis à « relater ». Conter prend alors une seconde signification, celle de « faire le récit détaillé d’un fait ». D’où les dérivés : conte, conteur, raconter

Après une période de grand flottement l’orthographe française a distingué ces deux emplois, comme s’il s’agissait de verbes distincts. La signification « calculer », proche de l’étymon latin, a reçu une graphie latinisante : compter ; la signification « relater » a conservé la graphie française simple : conter.

Les choses sont claires : de quoi ne plus s’en laisser conter.

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Portefeuille


 La langue française fabrique aisément des substantifs à l’aide du verbe porter à la troisième personne, suivi d’un complément. Le grand dictionnaire Trésor de la langue française en contient plus de 200 : porte-aiguille, porte-allumettes, porte-amarre, porte-avions, porte-bagages, etc. Et le processus est productif : j’invente à l’instant un porte-DVD.

Cela est d’un grand secours pour la langue technique, qui doit innover à tout instant afin de désigner les objets nouveaux.

Ce processus néologique, qu’il convient d’encourager, est néanmoins marqué de plusieurs difficultés.

Entre autres, un problème de graphie.  Faut-il écrire ces termes en deux mots que sépare un tiret, ou en un seul ?  L’histoire de la langue est claire à ce sujet. Quand on fabrique un tel nom, on commence par le laisser en deux parties, dont on sent encore l’autonomie. Puis, quand le terme est entré dans la langue, quand sa formation n’est plus perçue, on le soude.

C’est ce que ce qui est arrivé à portefaix  (le porteur de fardeau), à portemanteau. Le portemine, inventé au début du XXe siècle, a été rapidement écrit en une seule forme.

C’est enfin ce qui s’est passé pour portefeuille. Mais alors, pourquoi ne pas souder également porte-monnaie ? Pourquoi diable ces deux objets de fonction voisine, qu’ils soient réels ou désormais numériques, devraient-ils s’écrire différemment ?

Simplifions.  Rendons ce processus néologique des plus simples. Pourquoi ne pas les souder tous ? Je me fais le porteparole, le portevoix et le portétendard de cette réforme.

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Fortune


Il y a parfois de l’optimisme dans la langue. Le cas n’est pas fréquent ; raison de plus pour le souligner, dans un domaine qui concerne directement le Forum francophone des affaires.

Le mot fortune en est un bon exemple. Il est issu du latin Fortuna, la divinité qui présidait à la destinée humaine. Fortune a donc d’abord signifié « le destin », qu’il soit bon ou mauvais. Dans l’ancienne langue le mot est synonyme de heur, dont on a fait bonheur et malheur, comme on disait bonne ou mauvaise fortune.

Cette neutralité se retrouve dans quelques expressions : par exemple, la fortune des armes c’est-à-dire les aléas de la guerre. On dit aussi dîner à la fortune du pot, en fonction de ce que l’on trouve dans la marmite. On emploie de même la locution adverbiale de fortune qui signifie  « improvisé, sans engagement sur la qualité du résultat »  :  une réparation de fortune.

Toutefois, dès l’ancien français, le sens favorable semble privilégié ; on le voit s’imposer dans l’histoire de la langue. Fortune devient alors synonyme de succès : faire fortune signifie dès le XVIIe siècle « réussir dans la vie ». Un homme de fortune, parti de rien, s’est élevé grâce à son talent.

Cette réussite est généralement sonnante et trébuchante : faire fortune en est venu à signifier « s’enrichir ». Le terme désigne aujourd’hui l’ensemble des biens que l’on possède : une fortune colossale, léguer toute sa fortune.

Le mot fortune, neutre à l’origine, est devenu favorable, ce qui est plaisant. Mais le seul sens vivant aujourd’hui est des plus matériels : la souriante déesse s’est changée en un compte bancaire…

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Talent


Se doute-t-on que l’histoire du mot talent, « aptitude particulière et remarquable », est liée à l’économie ?

Très courant en ancien français, ce mot, jusqu’au XVIe siècle, a désigné le désir. On disait en faire à son talent pour « agir à sa guise » ; on atalentait la personne aimée, ce qui est charmant.

Il est issu du latin talentum, qui désigne une masse métallique, un poids, et provient lui-même du grec talanton, le plateau de la balance. Ce poids fait pencher le plateau ; talent signifie donc proprement l’inclination.

D’où vient le sens moderne, tout autre ? Il faut supposer une histoire assez curieuse. Le mot talentum, poids, désignait aussi une masse d’argent et par suite une monnaie : le talent. Il était utilisé par le latin d’Église à propos de la fameuse parabole évangélique des talents. Un maître parti en voyage a confié des talents à ses trois serviteurs. L’un, par prudence, les a cachés en terre ; les deux autres les ont fait fructifier : ce sont « les bons serviteurs », que le maître félicite à son retour. Cette apologie du capitalisme naissant fut si souvent racontée au Moyen Âge que talentum, et par suite le français talent, prirent le sens de « ce que la nature vous a confié et que vous avez su développer ».  On se mit à dire : savoir employer son talent.  En d’autres termes ses dons et aptitudes naturelles.

C’est donc un récit évangélique qui a changé du tout au tout la signification du mot talent. Le sens monétaire, accompagné d’une conception dynamique (et féconde) de l’investissement et de son appréciation morale, est devenu hégémonique. Ce talent, si j’ose dire, a fait fortune

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