Langue française

Alternative


Trop souvent, dans les affaires, en politique, nous entendons cette phrase rituelle : « il n’est pas d’autre alternative ». Outre qu’elle constitue un discutable argument d’autorité, elle manifeste une singulière et tout aussi regrettable faute de français.

Qu’est-ce en effet qu’une alternative ? Ce mot, comme toute sa famille (alternatif, alternance, alterner) vient du latin alternus qui signifiait « un sur deux », lui-même dérivé de alter « autre ». Une alternative est une situation qui offre deux possibilités,

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Langue française

Coupe sombre, coupe claire


 Le monde des affaires connaît parfois, malheureusement, des coupes sombres, dans les budgets, voire, hélas, dans le personnel. Leur noirceur n’est pas sans inquiéter ; mais sont-elles plus brutales que les coupes claires ?

Le mot coupe désigne, entre autres, « l’action d’abattre des arbres dans une forêt » : on pratique une coupe. Si celle-ci est effectuée dans les règles et sur une portion de bois déterminée, c’est une coupe réglée. D’où l’expression mettre en coupe réglée, c’est-à-dire tirer parti de façon répétée, et un peu abusive, de quelque chose ou de quelqu’un.

La coupe d’ensemencement ne porte que sur quelques arbres ; elle est faible, destinée à favoriser l’ensemencement naturel. Elle laisse la forêt dans une relative obscurité ; on parle alors de coupe sombre.

En revanche si l’on abat un grand nombre d’arbres, produisant une large arrivée de lumière dans le bois, les forestiers parlent de coupe claire.

C’est donc cette dernière qui est sévère, et que l’on devrait utiliser par image dans un discours volontariste : annoncer des coupes claires dans le personnel d’une entreprise, ou dans son budget.

Le bon usage est donc paradoxal, qui semble utiliser les adjectifs sombre et clair à contre-emploi. Il n’empêche, la coupe sombre est bénigne, la coupe claire dévastatrice.

Afin de s’en souvenir : quand on pratique une coupe claire dans une forêt, on produit une clairière : un espace où ne s’élève plus aucun arbre.

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Langue française

Francophonie des affaires


On ne saura assez vanter le Vocabulaire francophone des affaires, préparé et publié conjointement par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (France) et l’Office québécois de la langue française. Téléchargeable sur leurs sites, il montre la vitalité, la précision et la variété du français dans un domaine que l’on croit bien à tort livré à la langue anglaise.

Qu’est-ce que l’affacturage ? L’opération de gestion financière par laquelle, dans le cadre d’une convention, une entreprise gère les comptes clients d’entreprises en acquérant leurs titres, etc. Voilà un bon correspond à l’anglais factoring.

On ne confond pas économie circulaire (recourant à des modes de production, de consommation et d’échanges fondés sur l’écoconception, la réparation, etc.) et l’économie verte (caractérisée par des investissements et des techniques qui évitent ou réduisent les pollutions, etc.).

De même, le marché à terme (sur lequel des transactions donnent lieur à paiement, livraison, etc. à une échéance ultérieure) se distingue du marché au comptant (où le paiement et la livraison ne sont pas différés).

Cet ouvrage donne une bonne idée de l’envergure francophone.

La défaisance française se dit désendettement au Québec : il s’agit d’améliorer le bilan d’une entreprise en se défaisant d’actifs.

Et au lieu de l’anglais sponsor, on dit commanditaire au Québec, argentier au Maroc, parraineur en Belgique, mécène en France.

Nous poursuivrons cette lecture  enrichissante le mois prochain.

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Langue française

Francophonie des affaires (suite)


On ne saura assez vanter le Vocabulaire francophone des affaires, préparé et publié conjointement par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (France) et l’Office québécois de la langue française. Téléchargeable sur leurs sites, ce guide montre la vitalité, la précision et la variété du français dans un domaine que l’on croit bien à tort livré à la langue anglaise.

Feuilletant la lettre A, on constate l’efficace simplicité de notre langue. Ainsi l’accroche (partie d’une annonce attirant l’attention) vaut bien catching, catchline et autres anglicismes prétendument branchés. L’aguichage (diffusion de plusieurs annonces dévoilent en partie le message) est un joli correspondant à teasing. L’arrière-guichet (arrière-boutique au Québec), le service d’appui sont beaucoup plus clairs que le back office. Quant à l’atelier, n’exprime-t-il pas plus élégamment que workshop ? De même l’accompagnateur, l’accompagnatrice valent bien le coach.  Et faut-il rappeler qu’un accord est préférable à un deal ?

Pourquoi convient-il de préférer les termes français ? Pas seulement afin de manifester, par un choix lexical, que notre idiome est armé pour exprimer la modernité économique. Mais parce que dans cette langue, on ne dit pas les mêmes choses : les affaires ne sont pas le business, un acteur planétaire n’est pas un global player. Que le français, pour désigner le processus par lequel les employés d’une organisation acquièrent les moyens de mieux utiliser leurs ressources professionnelles, emploie autonomisation, tandis que l’anglais parle d’empowerment, donne à penser…

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Langue française

Euro


Ma boulangère vend son pain de campagne [deux – euros dix centimes]. Elle semble mettre le plus grand soin à ne pas pratiquer la liaison, malgré mes remarques, discrètes il est vrai car son pain est bon. D’où provient cette réticence à ne pas lier ?

Euro fut d’abord un préfixe, en faisant d’ailleurs quelque violence à la langue française. Nous prononçons en effet [Eu – rope] ; euro existe pas en lui-même. Pour que ce préfixe devienne actif en français, à partir des années 1960, il a fallu d’une part la pression de la langue anglaise qui l’avait adopté, d’autre part des modèles préexistants. Notons par exemple qu’un des premières créations fut eurocrate, sur le modèle de bureaucrate et de technocrate. Dès lors la fortune du préfixe euro– fut rapide : d’abord en matière économique eurocrédit, euromarché, eurodollar. Dans le domaine politique ensuite : eurocommunisme, eurodroite, eurostratégie. Il est aujourd’hui un des préfixes les plus vivants de la langue française : je peux créer aisément eurosensibilité, eurotendance, etc.

Toutefois, quand en 1996 euro fut choisi pour désigner la future monnaie unique de l’Union européenne ce préfixe devint un nom. Un euro comme un franc. De nombreux locuteurs restèrent perplexes devant cet objet parlant non identifié : un préfixe devenu substantif. D’autant plus que sur les billets, par neutralité linguistique européenne, euro reste au singulier.  Le considérant avec une certaine distance, beaucoup oublient de pratiquer la liaison : or, on doit dire [trois zeuros], comme [trois zoeufs].

C’était sans doute une phase de transition et d’adaptation. Euro est maintenant intégré à la langue française ; il doit en suivre les règles (liaison, mise au pluriel). L’euroscepticisme, – grammatical -, n’est pas de mise.

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