Langue française

Métier et profession

Métier et profession ne sont pas synonymes. Pour les distinguer, ayons recours à l’étymologie.

Métier provient du latin ministerium ; ce mot, dont on connaît par ailleurs le calque savant ministère, désignait le « service ». Être métier en ancien français signifiait « être utile ». Il y a dans métier une notion d’utilité, voire de technicité. N’oublions pas, d’ailleurs, que le terme peut désigner une machine : le métier à tisser

Le métier est donc une activité,

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Dissous, dissoute ; absous, absoute

En fait ils sont trois mousquetaires, trois dérivés du vieux verbe soudre, du latin solvere, qui signifiait « payer, acquitter, délier » (pensons à solvable).

Résoudre est le plus simple ; il se conjugue assez normalement. Subjonctif présent : je résolve, passé simple : je résolus ; subjonctif imparfait : je résolusse. Son participe est également régulier : résolu(e). 

Mais il s’agit d’un participe refait ; on disait dans l’ancienne langue résous et résoute. On parle encore régionalement en France, et au Québec d’un homme résous, pour signifier qu’il est « décidé, hardi ».

Résoudre fonctionnait donc exactement comme dissoudre et absoudre. Comment ces derniers forment-ils leurs participes ? Bizarrement :

  • au masculin, à partir d’une forme du latin vulgaire, en – solsus. D’où les formes dissous et absous ;
  • au féminin, à partir de la forme du latin classique, en – soluta, devenu –solta. Par suite : dissoute et absoute.  

Telles sont les formes normales du participe passé, distinctes des adjectifs refaits, et dont le sens est fort différent : dissolu et absolu.

Ce ne sont pas les moindres difficultés des verbes dissoudre et absoudre, dans la conjugaison est devenue fort difficile : je dissolvej’absolusse, etc.

Nous ne sommes pas les seuls à nous y perdre. Guillaume Apollinaire a risqué un absolvit, Gérard de Nerval a laissé échapper un absolva, Montherlant un dissolvèrent ; et Victor Hugo un étonnant subjonctif : jusqu’à ce qu’il s’en aille en en cendre et se dissoude.

Que ces maîtres de la langue se soient dissous dans cette conjugaison, c’est plutôt rassurant ; nous sommes absous.

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Affaire

Le mot affaire jouit d’un sémantisme étonnamment vaste ; cela tient sans doute à son étymologie : « ce que l’on a à faire ».

Et ce que l’on doit faire, en français, c’est d’abord l’amour. La signification sentimentale du mot affaireest attestée dès le Moyen Âge, époque où le mot est passé à l’anglais, lequel a gardé ce sens : an affair, au singulier, c’est une liaison.

Toutefois, au risque de froisser l’orgueil francophone, je dirai que cette valeur amoureuse a pratiquement disparu aujourd’hui, au profit d’une multiplicité d’emplois, que l’on peut classer du plus général au plus particulier.

Abstraitement, l’affaire désigne ce qui occupe ou concerne quelqu’un.  C’est l’affaire d’une minute, ça c’est votre affaire, j’en fais mon affaireIl est à son affaire, dit-on de celui qui est bien dans son domaine ; et avoir affaire à une personne signifie être en relation avec elle.

Plus concrètement, affaire désigne une action en cours : prendre l’affaire en main. Cette affaire peut être délicate, embrouillée (c’est alors toute une affaire !). Elle peut relever de la justice (le juge instruit l’affaire ; l’affaire Dreyfus), de la politique (une affaire d’État ; les affaires étrangères), ou tout simplement du commerce : il dirige une grosse affaire. Depuis le XVIIIe siècle affaire au pluriel se dit de l’activité commerciale et entrepreneuriale : il est dans les affaires, un dîner d’affaires.

Enfin, plus concrètement encore, affaire au pluriel désigne les objets d’un usage habituel : on invite un ado à ranger ses affaires.En français, les affaires désignent donc à la fois les activités commerciales normales (celles du Forum francophone des Affaires), et les choses un peu embrouillées, un peu obscures et pas toujours légales. Au milieu, allant parfois de l’un à l’autre : l’affairiste.

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Finaliser

Ne craignons pas d’être un peu puriste ; à bon escient du moins.  Je n’aime pas, mais alors pas du tout, l’emploi actuel du verbe finaliser : « L’accord a été finalisé », c’est-à-dire qu’il a été bouclé et conclu.

Le verbe finaliser est apparu au début du XXe siècle, dans la langue philosophique. Il est formé sur le mot fin, au sens de but. C’est la signification que l’on rencontre dans : parvenir à ses fins, afin que et la fin justifie les moyensFinaliser signifie donc : « assigner un but ». On peut dire, par exemple, que la vie humaine est finalisée par la recherche du bien public, l’angoisse de la mort, ou autre. On finalise un projet, une politique, un mécanisme. D’où les emplois techniques : la finalisation d’un dispositif. Logiciel finalisé pourrait à mes yeux remplacer avantageusement le très mauvais logiciel dédié.

Que s’est-il passé ? Le verbe anglais to finalize, quant à lui, est formé sur final « final » ; il signifie « mettre au point, achever ».  À l’évidence cette signification contamine actuellement le verbe français.

On va me dire que finaliser n’est plus rattaché à fin mais désormais à final et qu’il n’y a pas de quoi s’émouvoir. Je n’en démords cependant pas, et refuse cet anglicisme. Les mots ne manquent pas en français : on boucle une affaire, on met au point un dossier, on met la dernière main à un texte. En revanche la langue française a besoin d’un verbe signifiant que l’on donne du sens à une action : on la finalise.

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Décade et décennie

Ne craignons pas d’être un peu puriste ; à bon escient du moins.

Je n’aime pas, mais alors pas du tout, que l’on confonde la décade et la décennie.

La seconde est transparente ; on n’y entend le mot latin annus, c’est-à-dire l’année. Une décennie est une durée de dix ans.

Les choses sont moins claires, il est vrai, avec décade. Contrairement à ce que l’on pense, celle-ci ne provient pas du latin dies, « le jour ». Le mot fut emprunté au XIVe siècle au bas latin decada, adaptation du grec dekados, et signifiant comme lui « dizaine ». De fait, jusqu’au XVIIIe siècle, décade peut désigner une période de dix ans, de dix mois, de dix jours. C’est la Révolution française qui va fixer le terme dans ce dernier sens. En effet la Convention, adoptant en 1793 un nouveau calendrier, appelé « républicain », introduit la décade : cette nouvelle semaine comporte dix journées, la dernière étant le décadi (comme lundimardi etc.).

Le sens de décade s’est depuis fermement établi : à la banque, un relevé décadaire d’un compte s’effectue tous les dix jours.

L’anglais decade, qui reste conforme à l’étymologie, signifie aussi, et le plus souvent, « période de dix années ». À l’évidence cet emploi est en train de contaminer le mot français.

Il faut, je crois, résister à cet anglicisme ; pour deux raisons. D’une part il est commode de disposer en français de deux mots, signifiant respectivement les deux durées. Ensuite, en hommage à l’esprit rationnel de la Révolution française, qui nous a donné le litre, le kilomètre, et une semaine de congés de … dix jours.

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