Langue française

Challenge

Comme on le sait, les langues française et anglaise, au cours de leur histoire, ont joué une véritable partie de ping-pong lexical au-dessus de la Manche : des mots français sont passés en Angleterre puis en sont revenus.

Le latin caluminiare, dont est issu par calque le verbe calomnier, a donné phonétiquement l’ancien français challengierChallenge en est le déverbal. Il possède dans l’ancienne langue une gamme de sens variés : il désigne notamment en droit une accusation et dans un tournoi, un défi.

Avec la conquête normande,

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Magouille

Les affaires, bien sûr, et surtout en français, ce n’est pas de la magouille. La conscience en paix, nous pouvons nous intéresser à ce mot.

Magouille est bien joli, mais son origine est obscure ; disons qu’elle est vaseuse.

Apparaît tout d’abord, et récemment, vers 1930, le verbe magouiller. C’est peut-être une résurgence (bien tardive, on en conviendra) du gaulois marga, qui désignait la boue. Le terme se retrouve dans des formes dialectales, telles que margouiller « patauger » et margouille, « flaque d’eau ». L’idée d’opérations glauques conduites dans la gadoue se comprend bien : pensons à grenouiller, de même sens et de forme voisine. Mais on s’explique mal le passage de margouiller à magouiller, avec chute de la consonne r ; peut-être une influence de manœuvrer.

Magouiller se répandit rapidement dans la langue familière, pour désigner des pratiques malhonnêtes, dans les domaines de la politique, ainsi qu’hélas de certaines affaires.

Malgré sa vivacité le terme ne s’offrit pas sur-le-champ à la dérivation lexicale. On ne dira jamais assez de bien des événements de mai 68 ; ils furent en effet une véritable éclosion lexicale. On vit surgir, et j’en fus témoin, tout un vocabulaire politique rénové. On magouillait beaucoup entre groupuscules rivaux ; on dénonçait par suite les magouilleurs, auteurs d’infâmes magouillages.Ce dernier dérivé eut toutefois moins de succès qu’un déverbal fort réussi et qui depuis a fait son chemin, concurrençant manœuvre et combine : magouille. Nul doute qu’il doit son succès à sa rime puissante : la magouille, c’est le fait des arsouilles et des fripouilles.

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Boycott et boycottage

Refusant obstinément de baisser ses loyers, le grand propriétaire terrien irlandais Charles C. Boycott, à l’automne de 1880, ne se doutait pas que son nom passerait à la postérité et dans la plupart des grandes langues. Il fut en effet mis en quarantaine par ses fermiers, bien résolus à le faire céder. La presse anglaise s’empara de l’affaire, formant le verbe to boycott, qui passa presque aussitôt en français, sous la forme boycotter, ainsi que dans les autres idiomes européens. Le fait traduit bien la montée en puissance du journalisme à la fin du XIXe siècle, et son efficacité : boycotter devint d’usage courant.

Le terme désigne l’action d’interdire, par une mise en quarantaine (vieux mot français, lié aux quarante jours de carême, puis à l’isolement sanitaire) l’exercice d’une activité industrielle ou commerciale.

Le déverbal issu de boycotter fut d’abord boycottage, conforme aux règles de la morphologie. Toutefois, au cours du XXe siècle, l’anglomanie lui fit nettement préférer boycott.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Je crois percevoir une double tendance :

  • d’une part on semble réserver boycottage à l’opération proprement dite, comme y invite son suffixe agentif, et boycott au procédé. On dira par exemple : « il faut renoncer au boycott, car le boycottage en ce domaine est inefficace » ;
  • d’autre part, de façon plus générale, boycott paraît en recul devant boycottage, senti plus français.

Serait-ce un coup d’arrêt aux anglicismes ? Sans aller jusqu’à cette bonne nouvelle, j’observe depuis plusieurs années une tendance à la francisation qui vise à réduire le caractère d’étrangeté de l’emprunt. Après tout, surbooké est plus français qu’overbooké, et la prononciation / pipol/ (pour people) n’est pas qu’une plaisanterie ; elle est une saine réaction phonologique.

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Chômage

À partir du mot grec kauma, « la chaleur », le bas latin a formé le verbe caumare, qui signifiait « se reposer durant une forte chaleur ». Ce verbe a donné l’ancien français chomer, souvent écrit avec deux m, dont on a tiré, à l’aide du suffixe agentif –age, le substantif chômage.

Dans l’ancienne langue, le chômage c’est d’abord le fait de ne pas travailler volontairement. Plus précisément, on désigne ainsi la suspension des travaux, pour des raisons religieuses, le dimanche et les jours de fête. Cette signification est encore perceptible je crois, dans l’expression courante ne pas chômer, au sens de « travailler beaucoup » : « eh bien hier, je n’ai pas chômé ». Et les jours chôméss’opposent toujours, dans la nomenclature officielle, aux jours ouvrés, c’est-à-dire œuvrés.

Pas dérivation, le terme a désigné le fait de « rester improductif », involontairement donc, de par les conditions climatiques ou autres. On parle par exemple du chômage d’un moulin en période de basses eaux.

C’est au XIXe siècle, à la suite de la révolution de 1848, que le terme acquiert son sens moderne, économique et politique. Chômage prend alors le sens de « manque de travail pour quelqu’un qui en a besoin » ; d’où les dérivés chômeur et chômeuse, et les locutions chômage partiel, chômage technique, chômage structurel. Le mot comme la chose sont malheureusement devenus d’usage courant.L’histoire du mot est claire, mais pas sa graphie. Comment expliquer l’accent circonflexe sur la voyelle o ? Je l’ai dit, le terme s’écrivait souvent avec un double m : il entre ainsi, sous la forme chommage, dans la 2e édition du dictionnaire de l’Académie française. Dans la quatrième édition (1762), la Compagnie supprime ce m double et introduit un circonflexe sur l’o. Cet accent marque-t-il la disparition de la consonne ? Traduit-il une prononciation longue / chau-mer / ? On n’en sait rien et l’Académie ne s’est pas expliquée. Elle distribuait beaucoup d’accents circonflexes à l’époque ; on voit qu’elle n’a pas chômé.

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Confinement et déconfinement

Le latin finis désignait l’extrémité. A l’aide de cum, « avec », le latin avait formé confinium, qui se disait des limites d’un champ.

Le français en a tiré confins, généralement employé au pluriel, pour désigner des terres situées à l’extrémité : aux confins de la Chine. 

On en a fait le verbe confiner, au sens étymologique de « se trouver à la limité » : le Brésil confine à la France. (Et oui ! la Guyane…). Puis le verbe a pris la signification de « placer dans des limites », d’où « forcer à rester dans un espace limité » : ce romancier se confine dans son bureau.

Le déverbal de confiner est confinement, qui fut longtemps un terme pénitentiaire : le confinement des forçats. Depuis la fin du XXe confinement est passé dans le vocabulaire de la médecine, pour désigner l’interdiction faite à un malade de quitter la chambre : un médecin prescrit le confinement.  Plus récemment encore, il désigne une procédure de sécurité plaçant toute une population dans des espaces clos (par exemple le domicile), afin de la protéger d’un nuage nocif ou d’une maladie infectieuse. 

La pandémie de coronavirus a fait entrer ce terme dans la langue courante. On en a pour preuve la facilité avec laquelle on a formé déconfinement et déconfiner, pour désigner le fait et l’action de sortirdu confinement. Ces mots tout neufs, d’emploi général, ne sont pas encore dans les dictionnaires. Qu’ils y entrent au plus vite, pour saluer ce bel exemple de créativité lexicale.En attendant, hum… le reconfinement ! Et avant qu’on nous autorise à nous redéconfiner…

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