Langue française

Conjoncture et conjecture

Ne craignons pas d’être un peu puriste ; à bon escient du moins.

Je n’aime pas, mais alors pas du tout, que l’on confonde la conjoncture et la conjecture.

Certes les deux mots sont savants, et ils se ressemblent ; mais leur emploi et leur sens n’ont aucun rapport.

Dans conjoncture, il y a fondamentalement l’idée de joindre. La conjoncture, c’est au départ la liaison d’événements concomitants, dans une situation donnée. On parle de fatale ou d’heureuse conjoncture ;

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Acquis et acquit

Ne craignons pas d’être un peu puriste ; à bon escient du moins.

Je n’aime pas, mais alors pas du tout, que l’on confonde l’acquis (avec s final) et l’acquit (avec t final).

Le premier est le participe passé du verbe acquérir, qui signifie « se procurer ». Ce participe passé est vivant depuis le début de la langue : il a acquis une célébrité, il est acquis à la cause royale, etc. Le substantif acquis apparaît au XVIIe siècle, dans la langue philosophique ; il désigne alors le fruit de l’expérience. Comme on le sait, l’acquis s’oppose au naturel et plus précisément à l’inné ; il renvoie à des qualités, à des connaissances inexistantes au moment de la naissance. C’est la querelle, ou la dialectique, de l’inné et de l’acquis.

Le second prend un t final, car il provient du verbe acquitter. Ce très vieux verbe avait d’abord le sens général de « libérer » quelqu’un ou un pays ; il a pris ensuite la signification plus restreinte de « libérer d’une dette ». D’où acquitter une dépense et s’acquitter d’un impôt ou d’une tâche. C’est au XIXe siècle que ce verbe a signifié « affranchir quelqu’un, en le déclarant non coupable ». Le déverbal acquit renvoie au sens ancien d’acquitter ; il est synonyme de quittance. Effectuant un règlement, vous faites précéder votre signature de l’expression pour acquit. La langue usuelle garde un l’emploi figuré de ce terme, désignant un acte fait sans conviction, afin de se délier de ses scrupules : par acquit de conscience.

Les deux termes renvoient à des domaines fort différents. Leur distinction, j’espère, est désormais acquise.

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Dix-sept mille trois cent vingt-deux

Si l’on voulait montrer que la langue française n’est pas toujours un modèle de clarté, on ne saurait mieux choisir que la numérotation.

Rappelons, par exemple, que l’on emploie et seulement en dessous de cent, pour les dizaines donc, et seulement avec l’unité ? Vingt et un, mais vingt-deux et cent un.

Il en est de même, à l’écrit, pour l’emploi du trait d’union. La règle en est un modèle de complexité : on joint d’un trait d’union les nombres qui sont l’un et l’autre inférieurs à cent, sauf s’ils sont reliés par et, lequel remplace alors le trait d’union.

Application

Nous écrirons : dix-sept, soixante-dix-sept, quatre-vingt-treize. Les deux nombres sont alors moindres que cent.

Mais on ne le fera pas dans : cent trois, trois cents, mille quarante, car un des nombres est supérieur à la centaine. Pas non plus dans trente et un, formé d’éléments joints par et.

Maintenant que vous avez compris la règle, n’en demandez pas l’origine. Elle provient d’un pur arbitraire grammatical.

Il y a une trentaine d’années les conseils supérieurs de la langue française de France, de Belgique, du Québec approuvés par l’Académie française ont proposé d’utiliser un trait d’union dans tous les nombres : dans cent-treize, dans trente-et-un, comme dans vingt-deux. Voilà qui est simple et cohérent.

Ce nouvel usage, recommandé, tarde cependant à se répandre. Alors, en rédigeant votre prochain chèque, en faisant opérer un virement, rédiger un contrat, contribuez au progrès orthographique ! La langue française vous en sera reconnaissante.

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Vive septante !

Curieuse variété de français, que celle de France, censée illustrer (voire dicter) le « bon usage ». Elle utilise tour à tour la numération décimale (par dix : 10, 20, 30, 40, 50, 60), vicésimale  (par vingt : quatre-vingts), et un mélange des deux (soixante-dix, quatre-vingt-dix).

L’emploi de la numération vicésimale est dû, pense-t-on, à une influence gauloise : nos « ancêtres les gaulois » comptaient par vingt. Il est de fait que cet usage était des plus fréquents dans l’ancienne langue. En 1260 Saint-Louis fonde un hôpital pour trois cents chevaliers revenus aveugles de la croisade : c’est l’hôpital parisien des Quinze-vingts.

Le maintien partiel de cet usage ancien en français moderne présente de nombreux défaut : il est lourd, malcommode et ambigu. Si vous dictez « 75 » à une personne, elle commencera par écrire un 6, qu’il lui faudra corriger aussitôt.

Les variantes belge et suisse ont généralisé les formes septante et nonante, possibles mais minoritaires en ancien français ; on entend également huitante, voire octante

Voilà qui est sage. C’est un emploi cohérent et naturel de la numération décimale : dix, vingt, trente, quarante, cinquante, soixante, septante, huitante, nonante, cent.

Nos proches cousins Italiens ne disent-il pas cinquanta, sessanta, settanta, ottanta, novanta ?

Qu’attendent les locuteurs de France pour s’y mettre ?

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Le cas échéant

Afin de comprendre l’emploi de la locution figée le cas échéant, il convient de reprendre les choses d’un peu plus haut. Le latin cadere a donné le verbe français choir, d’usage courant dans l’ancienne langue : il signifiait « tomber ». Pratiquement éliminé par ce dernier verbe, il ne subsiste plus qu’à l’infinitif   (elle m’a laissé choir), et surtout en composition.

On connaît le verbe déchoir, qui signifie « tomber dans un statut inférieur » : on peut accepter sans déchoir ; il est déchu de ses fonctions.

Le verbe échoir est plus rare, et plus technique ; il appartient notamment au lexique du notariat et signifie : « qui advient par l’effet d’une loi ». Albert Camus écrit : un petit héritage lui échut qui venait de sa sœur. D’où l’emploi de ce verbe à propos d’une dette ou d’un règlement qui arrive à sa date : le terme est échu depuis deux mois ; c’est une échéance.

On arrive ainsi au participe présent du verbe échoir qui signifie « qui arrive à son terme », et plus généralement « qui se présente ». On comprend par suite la locution le cas échéant. Elle signifie « si le cas, c’est-à-dire l’éventualité, l’occasion se présente » : nous étudierons, le cas échéant, la réponse à donner ; nous modifierons, le cas échéant, notre stratégie.

Le cas échéant signifie donc de façon figée : si le cas échoit, dans l’éventualité où il échoirait, pour le jour où il échoira. Mais, notons-le, on n’y met pas de grande conviction : sans doute ne désirait-on pas vraiment que le cas échût.

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