Langue française

Prescription et proscription

Il importe de ne pas confondre la prescription et la proscription.

Le premier est lié au verbe prescrire. Ce dernier provient du latin praescribere, de prae « devant » et scribere « écrire », c’est-à-dire « écrire en tête, mentionner d’avance ». Le verbe prescrire possède deux sens principaux. Tout d’abord, « écrire d’avance » a signifié « libérer quelqu’un d’une obligation au-delà d’un certain temps ». Il peut s’agir d’une dette ou de la possibilité d’être condamné. D’où le sens encore actuel de 

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Langue française

Comorbidité, cluster, tracking

La crise sanitaire a fait entrer dans la langue commune des termes jusque-là spécifiques à la langue médicale. Ils portent en eux des traits propres à cette langue.

D’une part, un emploi étymologique. C’est le cas de comorbidité, qui peut être mal interprété. Depuis les années 1830, l’adjectif morbide a le sens de « malsain, qui possède un goût pour l’anormal ». Il s’agit toutefois d’un emploi figuré de l’adjectif issu du latin morbidus, « malade », : morbide désigne ce qui est relatif à la maladie. Le substantif morbidité, propre à la langue médicale, se dit de l’ensemble des causes qui peuvent produire une maladie. D’où la comorbidité : une maladie principale est associée à de multiples et spécifiques conditions cliniques.

Le second caractère de ce vocabulaire d’origine médicale est sa nette anglicisation, qui peut répandre des emprunts. Ainsi cluster, qui désigne en anglais une grappe, et qui a pris le sens de « regroupement dans le temps et l’espace de cas d’une maladie ». L’équivalent français est évident : foyer épidémique, foyer d’infection ou foyer tout court : le terme est transparent.

De même, pour désigner une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées, la langue technique use volontiers de l’anglais tracking.  Le français traçageest d’autant plus préférable que nous employons déjà la traçabilité, parcours des objets et des marchandises du producteur au consommateur.Il ne s’agit pas de purisme, mais d’usage partagé de la langue. Pourquoi une notion qui a des incidences sur la vie de chacun, sur la santé d’une population, voire sur les libertés publiques, serait-elle exprimée par un anglicisme opaque ?

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Point de vue des économistes

Le pouvoir de la destruction créatrice

Par Philippe AGHION, Céline ANTONIN, Simon BUNEL – Éditions Odile Jacob – 436 pages

Cet essai collectif, accessible à un public moins économiquement informé, très documenté, résulte très largement des cours et des  travaux de recherches dispensés sous l’égide de Philippe Aghion au Collège de France. 

Sa thèse centrale vise à éclairer le pouvoir de la  destruction créatrice identifiée par Schumpeter et celle de la transformation du  capitalisme pour « les orienter vers une prospérité plus durable et mieux partagée ». Les auteurs valident scientifiquement l’intuition Schumpeterienne et ils l’approfondissent : la destruction créatrice  est bien ce processus par lequel de nouvelles innovations se produisent continuellement et rendent les technologies existantes obsolètes, de nouvelles entreprises venant constamment concurrencer celles en place, de nouveaux emplois et activités étant  créés et sans cesse remplacées celles existantes.

Il montre, et la crise pandémique que nous vivons renforce la démonstration que, plutôt que de vouloir « dépasser » le  capitalisme il faut chercher à mieux le réguler.

Pour les auteurs, changer radicalement de système économique  alors que malgré ses effets pervers (inégalités, destructions  d’emplois, etc. ) le capitalisme  « a hissé nos sociétés à des niveaux de prospérité inimaginables en à peine deux cents ans !! », n’est pas la bonne option…  Car le pouvoir du  capitalisme  via cette  destruction  créatrice est dans sa capacité formidable à créer de la croissance.

« … Le  défi est alors de mieux appréhender les ressorts de ce pouvoir pour l’orienter dans la direction souhaitable…  vers une  croissance plus verte et plus juste ».  Comment minimiser les  effets potentiellement négatifs du système ?  Comment éviter que les innovateurs d’hier ne se  transforment  en  rentiers conservateurs ? Quelles forces utiliser et quelle place pour l’État dans ce défi ? 

Le  grand intérêt de ce remarquable ouvrage est d’apporter des réponses concrètes à nombre de ces questions à travers l’élaboration  d’un nouveau paradigme « …pour poursuivre et amplifier la quête de  richesse des Nations…. »

Pour  tous publics. Cette parution marquera  sans aucun doute de son empreinte 2020.

Philippe AGHION est professeur au Collège de France. Céline ANTONIN économiste à l’OFCE, maitre de conférences à Sciences Po. Simon BUNEL, économiste à la Banque de France.

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Point de vue des économistes

40 ans de Libéralisation financière

Revue  d’Economie  Financière N° 137 – 1er trim 2020 – 372 pages – COLLECTIF

Introduction de Christian de Boissieu et Jean-Paul Pollin

La période de l’après-guerre restera atypique du point de vue des crises financières puisque jusqu’aux années 1970, aucune crise majeure n’est apparue dans les pays développés. Certains y voient la justification d’une vision interventionniste qui s’appellera le keynésianisme …avec des circuits de financements privilégiés, une administration des taux d’intérêts et une réglementation étroite des institutions et des marchés financiers.

Aussi, faire le lien entre cette situation heureuse et la réglementation étroite des systèmes financiers qui avait cours, est tentant. 

D’ailleurs «… comme on aurait pu s’y attendre… » , la libéralisation a fait se succéder des crises financières de plus en plus profondes et répétitives jusqu’à la  crise systémique de 2007-2008.  Si les dangers « … d’une libéralisation débridée… » étaient connus des pouvoirs publics et des Banques Centrales, le besoin de sortir les systèmes financiers des carcans de l’après-guerre était devenu prioritaire, ne serait -ce que par la nécessité de reconstruire des économies détruites par les conflits.

En France, l’une des motivations essentielles de la libéralisation financière tenait à réduire le coût de la dette publique, dont la progression risquait de devenir insupportable. Globalement, ce pari a été largement réussi même s’il doit beaucoup ces dernières années à la faiblesse structurelle des taux d’intérêt… Un autre des objectifs de cette réforme visait à un rééquilibrage favorable aux marchés en améliorant le financement des entreprises trop dépendantes de l’intermédiation de bilan. (confer le  rapport Lagayette).

Si ces réformes marquent le retour d’une certaine idée de la pensée libérale, elles restent majoritairement accompagnées de gains d’efficience pour l’économie, nonobstant les coûts associés aux crises financières qui en relèvent aussi.

Une trop grande foi dans l’autorégulation et la complexité inhérente à la conception des règles encadrant les opérations et les comportements financiers ont entaché cette expérience de libéralisation financière.

« .. Voire une certaine désinvolture au regard des risques qu’elle comportait et qui auraient être prévenus… »

Ce remarquable ouvrage collectif introduit lumineusement par les réflexions des professeurs de Boissieu et Pollin propose d’étudier en cinq chapitres émanant de professionnels et d’experts éminents :

  • la diversité des motivations,
  • la transformation des acteurs,
  • les évolutions du comportement financier des agents non financiers,
  • le retour des crises et nouvelles régulations, 
  • quelles limites à la liberté des mouvements de capitaux;

L’histoire des espérances et des déconvenues qui ont accompagné ce processus, ses motivations, sa mise en œuvre et les leçons qui peuvent en être tirées. 

Un ouvrage précieux pour les professionnels et les étudiants, d’un point de vue historique et économique, particulièrement bien documenté.

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Point de vue des économistes

S’adapter ou périr – Covid-19, faire front

Par Pascal PICQ – Éditions de l’Aube – 170 pages

C’est dans un nouveau dialogue avec Denis Lafay que Pascal Picq a choisi de passer au révélateur de la science anthropologique les  enseignements qu’induit la pandémie du Covid -19, pour aujourd’hui  et pour demain. Au fil des pages apparaissent les attributs de «  l’évolution », science  dont l’auteur est l’un des plus éminents  experts.

Plus que jamais il apparait en  effet nécessaire de s’adapter : la  conscience d’une Société nécessairement  « évolutionnaire » n’a jamais été aussi forte qu’à travers  la perception de  cette addition d’événements, sanitaires, économiques ,  sociaux, géopolitiques et entrepreneuriaux qui frappent  la Planète avec ce virus. Chaque décision, chaque acte accompli maintenant détermine « le jeu des possibles » des générations futures. Aussi « le jour d’après »  pourra être un  « grand  et beau jour » à condition de définir un projet reposant sur des  causes ultimes ; de  celles qui invitent à épargner nos désirs et nos envies immédiates  pour une autre société. 

L’ évolution ce n’est pas le passé , mais le succès de la descendance et des conditions de la réalisation des possibles que nous ignorons.  Mais nous n’avons pas tout à inventer  pour trouver  cette «  voie «  chère à Edgard Morin…les innovations éclosent partout dans le monde … mais le plus  difficile reste à concevoir : en  faire une nouvelle synthèse pour l’avenir de l’Humanité.

Ainsi nous pourrions retrouver «  les jours heureux » que promettait   entre autres, le conseil national de la Résistance, car                            « … toute civilisation meurt de l’incapacité de repenser le support de  son succès, de l’incapacité de comprendre que la destruction des  environnements annonce la  sienne … c’est la logique des écosystèmes.»

Prendrons-nous le risque de  disparaitre ? Pascal Picq apporte à nouveau une forte contribution à une  salutaire prise de conscience des enjeux et des  défis qui sont devant nous.

Pascal PICQ, paléoanthropologue est spécialiste de l’évolution de la lignée humaine et des grands  singes. Auteur de nombreux ouvrages  de référence dont chez le même auteur « Une époque  formidable ».

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