Point de vue des économistes

La “fin de l’histoire” inversée ?

«  La fin de l’Histoire et du dernier homme »*, prophétisée à la fin du XXe siècle, par Francis FUKUYAMA, en conséquence de la chute du monde (et du mur) communiste, devait se traduire par la victoire définitive du Libéralisme sur les idéologies concurrentes, aux plans économique et politique.

L’idéal  de la  démocratie libérale s’installait comme «horizon indépassable» de l’humanité.  Certes, ce  triomphalisme, bien compris, ne pouvait prétendre éliminer tous les  conflits et les troubles planétaires mais, avec les progrès exponentiels de la science, on pouvait rêver d’évacuer peu à peu le  solde des contradictions fondamentales des sociétés humaines. 

Cet essai-bestseller restera à juste titre comme l’un des plus brillants de cette période.

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Point de vue des économistes

Pour retrouver l’esprit de réforme selon TURGOT

Le credo que l’on prête à TURGOT : « laissez faire, laissez passer » (1), en fait indiscutablement un authentique champion libéral  et un pionnier de la science économique :

S’il est reconnu des grands argentiers, comme premier grand concepteur d’une politique de  redressement des  finances publiques, sa pensée apparait trop souvent  réduite à quelques clichés :

« Dieu, disait-il, en donnant à l’homme des besoins, en lui rendant nécessaire la ressource du travail a fait du droit de travailler la propriété de tout homme, et cette propriété est la première, la plus sacrée et la plus imprescriptible de toutes ». (2)

Les salariés et autres Actifs n’ont-ils pas eux aussi redécouverts, dans la douleur du confinement, le sens  et la  valeur Travail ?

Mais plutôt que l’exégèse de sa pensée (3) et de son « éclat » (4) ce sont ses leçons  d’expériences qui devraient pouvoir guider les réformes que notre pays devra envisager en sortie de  cette parenthèse inédite imposée par le tsunami de la pandémie.

En  synthèse ce que TURGOT a appris tient en l’évidence de trois leçons  :

1 – Les grandes idées s’appuient sur des principes simples :

    Son premier acte fut de soumettre au Roi une déclaration de principe :« pas de banqueroute, pas d’augmentation de taxes, pas d’emprunt ». Ces priorités concentrées, cette logique lui valurent face à une situation financière désespérée, d’obtenir un succès aussi rapide que remarquable, de réduire le déficit, de faire baisser les taux d’intérêts et d’infléchir la dette……

En outre, en préambule d’un de ses décrets, TURGOT indiquait qu’il avait réécrit trois fois le même texte :   « …pour que n’importe quel juge de village puisse l’expliquer, en parler……… »

On est loin de nos propositions contemporaines qui en visant l’exhaustivité, certes, comblent notre   Administration  (on  se souvient sans malice  des  dix priorités et des 300 actions de la Commission Attali) mais  qu’en  reste t-il ?       

Aujourd’hui, les Banques Centrales ont pris la main, mais sont-elles pour autant lisibles ? Trop d’ambitions détaillées rendent l’action insécure, inintelligible et inefficace.

Une simple phrase : « aucun déficit pendant trois ans » (budgétaires, sociaux et commerciaux) aurait  sans  doute pu mieux marquer les  esprits. Il n’en a rien  été, et rien ne s’est fait… lorsqu’ il  était (encore) possible de le  faire.

2 – Lorsqu’on est seul à avoir raison, on a tort :

Détenir une vérité, seul ou trop tôt conduira inexorablement à de douloureuses déconvenues. Une réflexion aussi juste et brillante soit-elle, des textes provocants, stimulants, dignes d’intérêts vous amèneront tout droit à votre perte si le terrain d’acceptation est miné par le scepticisme et les nuisances de toute sorte. La politique de TURGOT a rassemblé contre lui tous les tenants d’intérêts privilégiés, de statut et de rang menacés y compris Marie-Antoinette qu’il privait d’actions de faveur auprès de ses favoris…….

Que penser alors de la résistance (doux euphémisme) de la société civile française contemporaine face aux réformes ? Alors qu’une majorité de Français détiennent d’une façon ou d’une autre une part de privilèges (sous-tarification, lobby, statut, emploi, retraite, fortune) comment imaginer qu’elle acceptera des changements radicaux ? Gare aux réveils douloureux. 

Les princes sont versatiles, la conjoncture aussi : la médiocre moisson de 1774 a autant précipité la chute de TURGOT que la perte de confiance du Roi, qui le lâcha en rase campagne, reculant devant l’ampleur de son plan : la réforme totale des privilèges était condamnée à attendre. 1789 pointait déjà …

Trahi par ses amis, seul, ne pouvant achever son œuvre, il fut conduit à la démission, deux ans après sa prise de fonctions. Toute similitude avec la situation française présente est-elle vraiment purement fortuite ?: mauvaise  récolte,  pandémie … même conséquences ?  

3 – L’histoire rattrape toujours les faiseurs de « bouc-émissaire »

Les intrigues de Cour qui rejettent la responsabilité sur le  premier «bouc-émissaire » qui passe  à portée de médias, tendent à effacer les inconséquences, les indécisions, les faiblesses de la Cour finissent toujours par se payer : 

Pour Louis XVI et la malheureuse Marie-Antoinette ce fut l’impensable d’une folie barbare… mais bien d’autres exemples dans l’histoire illustrent cette « loi d’airain ». Les mises au pilori médiatique  de quelques prévisionnistes de la  santé mal inspirés, ou de Professeurs  de médecine un peu « décalés » (on n’ en  avait jamais autant vu !!)  peuvent-elles effacer nos errements collectifs, face à ce « cygne noir  » qui a fait vaciller toute la Planète ?

« C’est en été et dans les forêts que démarrent les incendies, et d’autant plus facilement que l’on donne des allumettes aux pyromanes ».  Nombre de Dirigeants en ont  fait la désagréable expérience .

 La pandémie  restera probablement  dans l’Histoire comme l’ un de ces moments où le monde  bascule  et est emporté vers  un autre  temps. Le  temps  de Turgot  fut aussi  celui d’ une  révolution sur bien  des points proche  des  temps nouveaux en  terme de  ruptures, même si dans la  forme (et c’est heureux) on pense en  être très éloigné.

«  Les gilets jaunes  » n’étaient pas, n’en déplaisent à monsieur Mélenchon, les enfants de  Robespierre !!!

Puisse toutefois l’esprit de TURGOT inspirer à nouveau nos dirigeants et nos « grands penseurs » réformateurs.

                                                                                        Jean-Louis CHAMBON

Président   d’ honneur de la Fédération Nationale

Des Cadres Dirigeants – FNCD

Président du Prix TURGOT

Meilleur Livre d’Economie Financière de l’année.

  1. Dont la paternité est sans doute partagée avec son mentor DE GOURNAY selon l’avis de Alain LAURENT, auteur de TURGOT aux Belles Lettres.
  2. TURGOT, édit de suppression des jurandes (1776)
  3. Se rapporter au colloque international « Turgot notre contemporain ? » à l’initiative de Ysabel de NAUROIS TURGOT, présidente de la Société des Amis de Turgot.
  4. « L’éclat de TURGOT » journal des économistes et des études humaines – Mars 1995
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Langue française

Dissous, dissoute ; absous, absoute

En fait ils sont trois mousquetaires, trois dérivés du vieux verbe soudre, du latin solvere, qui signifiait « payer, acquitter, délier » (pensons à solvable).

Résoudre est le plus simple ; il se conjugue assez normalement. Subjonctif présent : je résolve, passé simple : je résolus ; subjonctif imparfait : je résolusse. Son participe est également régulier : résolu(e). 

Mais il s’agit d’un participe refait ; on disait dans l’ancienne langue résous et résoute. On parle encore régionalement en France, et au Québec d’un homme résous, pour signifier qu’il est « décidé, hardi ».

Résoudre fonctionnait donc exactement comme dissoudre et absoudre. Comment ces derniers forment-ils leurs participes ? Bizarrement :

  • au masculin, à partir d’une forme du latin vulgaire, en – solsus. D’où les formes dissous et absous ;
  • au féminin, à partir de la forme du latin classique, en – soluta, devenu –solta. Par suite : dissoute et absoute.  

Telles sont les formes normales du participe passé, distinctes des adjectifs refaits, et dont le sens est fort différent : dissolu et absolu.

Ce ne sont pas les moindres difficultés des verbes dissoudre et absoudre, dans la conjugaison est devenue fort difficile : je dissolvej’absolusse, etc.

Nous ne sommes pas les seuls à nous y perdre. Guillaume Apollinaire a risqué un absolvit, Gérard de Nerval a laissé échapper un absolva, Montherlant un dissolvèrent ; et Victor Hugo un étonnant subjonctif : jusqu’à ce qu’il s’en aille en en cendre et se dissoude.

Que ces maîtres de la langue se soient dissous dans cette conjugaison, c’est plutôt rassurant ; nous sommes absous.

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Langue française

Affaire

Le mot affaire jouit d’un sémantisme étonnamment vaste ; cela tient sans doute à son étymologie : « ce que l’on a à faire ».

Et ce que l’on doit faire, en français, c’est d’abord l’amour. La signification sentimentale du mot affaireest attestée dès le Moyen Âge, époque où le mot est passé à l’anglais, lequel a gardé ce sens : an affair, au singulier, c’est une liaison.

Toutefois, au risque de froisser l’orgueil francophone, je dirai que cette valeur amoureuse a pratiquement disparu aujourd’hui, au profit d’une multiplicité d’emplois, que l’on peut classer du plus général au plus particulier.

Abstraitement, l’affaire désigne ce qui occupe ou concerne quelqu’un.  C’est l’affaire d’une minute, ça c’est votre affaire, j’en fais mon affaireIl est à son affaire, dit-on de celui qui est bien dans son domaine ; et avoir affaire à une personne signifie être en relation avec elle.

Plus concrètement, affaire désigne une action en cours : prendre l’affaire en main. Cette affaire peut être délicate, embrouillée (c’est alors toute une affaire !). Elle peut relever de la justice (le juge instruit l’affaire ; l’affaire Dreyfus), de la politique (une affaire d’État ; les affaires étrangères), ou tout simplement du commerce : il dirige une grosse affaire. Depuis le XVIIIe siècle affaire au pluriel se dit de l’activité commerciale et entrepreneuriale : il est dans les affaires, un dîner d’affaires.

Enfin, plus concrètement encore, affaire au pluriel désigne les objets d’un usage habituel : on invite un ado à ranger ses affaires.En français, les affaires désignent donc à la fois les activités commerciales normales (celles du Forum francophone des Affaires), et les choses un peu embrouillées, un peu obscures et pas toujours légales. Au milieu, allant parfois de l’un à l’autre : l’affairiste.

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Point de vue des économistes

Les entrepreneurs de légende - Tome 2

Préface de Nicolas  Bouzou, par Sylvain BERSINGER, Enricks B éditions – 160 pages

Ce jeune auteur, économiste d’à peine 30 ans, collaborateur du cabinet de  recherches économiques ASTERES, dirigé par Nicolas Bouzou,  a été  remarqué à la fois par sa capacité de vulgarisation et son  sens de la pédagogie aussi rare que précieux dans notre pays où la  culture économique reste très loin de constituer un de nos points forts. Tel fut le cas avec « l’économie en clair »  parue chez Ellipses  puis « l’Entreprise » éditée chez l’Harmattan, et, fin 2020 par le tome 1 des « Entrepreneurs de légende ». Ce tome 2 constitue l’autre élément d’une trilogie qui a débuté avec « les Entrepreneurs de légende » et suivie « des Entrepreneurs atypiques ». Il prolonge ainsi par une focalisation sur l’histoire économique mondiale sa présentation des aventures entrepreneuriales tricolores.

Au fil des pages se dessine une large palette d’inventeurs et d’innovateurs dans  des domaines très différents : les personnalités les plus emblématiques des  grandes entreprises internationales qui souvent, partis de rien, ont bâti des  fortunes colossales et « bien plus  encore ont  contribué à façonner le monde  dans lequel nous  vivons ».

Ce que montre l’auteur c’est l’extrême diversité des profils,  des scientifiques de  formation, mais aussi d’autres sans bagages scolaires mais compensant leur handicap par du flair, de l’audace et le sens des affaires. Idem pour leur origine sociale : leurs  tempéraments, leurs trajectoires  diffèrent et « pourtant à l’arrivée, c’est toujours la même réussite fulgurante. Ces magnifiques succès dont Wall Street est bien souvent le témoin ne sauraient occulter les échecs de nombreux projets de candidats entrepreneurs dont certains finissent par la  ténacité à rentrer dans la légende. Ainsi les parcours fascinants, le  génie,  de John Davison Rockefeller, Sam Walton, Bill  Gates, Phil Kgnith, Aristote Onassis, Ren Zhengfei et bien  d’autres  sont mis en lumière sous la plume incisive de ce jeune auteur. La morale de cette belle histoire que raconte avec brio Sylvain Bersinger est que, in fine, tout un chacun a sa chance, pourvu qu’il s’en donne les moyens et qu’il en ait le courage…  pour risquer…  l’échec autant que la réussite… n’en déplaise aux adeptes de l’égalitarisme !!!

Comme le remarque Nicolas Bouzou : « Sylvain  Bersinger comble ainsi un manque dans le monde de l’édition en publiant ces biographies qui ont au moins deux mérites : « faire comprendre l’environnement institutionnel et culturel de ces  grandes aventures, et les  caractéristiques psychologiques des entrepreneurs ». Un voyage très prenant au pays de l’entrepreneuriat. Précieux pour tous publics.

Sylvain BERSINGER, consultant, ancien enseignant, est diplômé en économie Lyon 2 et Paris-Dauphine et l’auteur de 6 ouvrages.

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