Langue française

Boycott et boycottage

Refusant obstinément de baisser ses loyers, le grand propriétaire terrien irlandais Charles C. Boycott, à l’automne de 1880, ne se doutait pas que son nom passerait à la postérité et dans la plupart des grandes langues. Il fut en effet mis en quarantaine par ses fermiers, bien résolus à le faire céder. La presse anglaise s’empara de l’affaire, formant le verbe to boycott, qui passa presque aussitôt en français, sous la forme boycotter, ainsi que dans les autres idiomes européens. Le fait traduit bien la montée en puissance du journalisme à la fin du XIXe siècle,

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Point de vue des économistes

Islamogauchisme, Populisme et nouveau clivage Droite-Gauche

Par Philippe FABRY et Leo PORTAL – VA Éditions – 189 pages

Il n’est pas nécessaire de souligner outre mesure l’actualité du sujet de ce nouvel essai : les débats médiatico-politiques qui prolifèrent en la matière s’en sont largement chargés, tout en restant le plus souvent en surface de la réflexion que devrait appeler ce « phénomène politique ». 

Aussi l’un des grands mérites de ce duo d’auteurs, historiens et experts reconnus de ces domaines est de proposer un décryptage original de ces tendances qu’illustrent entre autres, le trumpisme, la sécession des élites, l’islamisme, l’indigénisme, la woke-culture, etc… 

L’Islamogauchisme, le populisme, et le nouveau clivage Droite- Gauche incarnent tout particulièrement ces grandes questions de politique contemporaine : 

De fait, les repères des commentateurs paraissent brouillés, le clivage droite -gauche semble de plus en plus dépassé par les leaders politiques … en parole et en pratique, et c’est sur l’avenir même de la démocratie en occident et dans le monde sur lequel on s’interroge face à une montée en puissance  du Populisme …

De fait, le libéralisme, le socialisme, l’écologisme sont-ils de Gauche ou de Droite ?, « la  révolte  des  élites  est- elle une réalité ou un fantasme ?…..convenons que les point de vue  apparaissent  de plus en plus nuancés sur  ces sujets…

 Dans cet ouvrage particulièrement bien documenté et où s’éclairent l’histoire des idées et des Institutions politiques, les auteurs proposent une grille de lecture originale qui s’appuie sur une analyse permettant d’approfondir ces grandes questions :  – la démocratie est-elle en train de s’effacer au profit de nouveaux modes de gouvernement ?  -les raisons de l’évolution continue du clivage Droite-Gauche sont- elles à chercher ailleurs que dans un simple changement de clivage (où il n’y aurait plus, « en même temps », ni droite ni gauche), mais plutôt en prenant en compte de « nouveaux clivages » comme par exemple celui qui prospère entre mondialistes et nationalistes ? 

Les auteurs ont une théorie stimulante, capable de s’appliquer : « …à toute société politique, occidentale ou non, contemporaine ou passée… » 

 Il s’agit en réalité d’une ambition, en tous points méritante, pour proposer un modèle permettant : « … d’interpréter les signaux émis par les sociétés politiques occidentales actuelles et de discerner l’avenir de la démocratie en Occident … ». Le tableau de synthèse permettant d’appréhender la dynamique historique dans les principales communautés politiques (Angleterre, USA, Russie, Turquie, Japon, associant à celui de la France ceux   de la Rome antique et d’Athènes) est tout à fait exceptionnel : il met en lumière ce mouvement sinistrogyre dont le principal moteur reste l’émergence régulière de nouvelles classes d’exclus dotés d’une conscience politique. 

Ainsi la démonstration est faite de l’hypothèse selon laquelle : « …  il y a  toujours eu et partout , ….. des Réactionnaires, des Conservateurs, des Progressistes et  des Révolutionnaires  qui constituent les bases  théoriques  classiques.  Le clivage politique se fait toujours par rapport à l’ordre social établi et ne correspond pas à un corpus de « valeurs » ni à une doctrine idéologique qui changent avec le… temps et ce changement est la conséquence d’une dynamique sinistrogyre portée par de nouvelles idéologies à l’extrême-gauche, valant doctrine à l’intégration politique des nouvelles classes « d’exclus ».

 Enfin les auteurs concluent que le débat politique ouvert et les partis à « assemblées délibérantes » ne constituent en rien une rupture de cette réalité politique permanente.

 « … l’objet de la science politique n’est pas de comprendre comment manipuler les masses humaines, mais de les aider à faire leur psychanalyse afin qu’elles puissent maîtriser leurs pulsions et apaiser leurs névroses… »

 Ce brillant essai s’inscrit sur ce chemin. Immanquable pour tous publics.

– Philippe   FABRY ,  Historien  du  droit, auteur prolifique Prix turgot  du jeune  talent 2015

– Léo PORTAL,  Doctorant en sciences politiques  de l’université de Florence 

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Point de vue des économistes

L'avenir de l'intermédiation financière

Revue d’économie financière – AEF n° 142 – 2ème trimestre 2021 – Coordonnée par Jézabel COUPPEY-SOUBEYRAN et Vivien LÉVY-GARBOUA

La stabilité du système financier international, comme l’intermédiation financière elle-même sont confrontées depuis 2008 à des tensions inédites :    la répétition de crises majeures, les effets contradictoires des normes prudentielles qui laissent en pratique prospérer le « shadow banking » etc..

Pour maintenir la confiance face à ces transformations disruptives, les  régulateurs ont dû innover, s’éloignant d’une intermédiation centrée sur les  grands établissements dont le modèle de banque universelle parait révolu, en progressant vers des modèles plus décentralisés.

Mais comme le notent les auteurs de ce nouveau brillant collectif : « … le  scepticisme sur les capacités du système financier à se reformer sans crises majeures  est  très présent … ». Il en résulte un double point de vue :

 – soit, il convient de changer tous les modèles de gestion (politique monétaire, Banques Centrales, etc…), dans un contexte de fortes et croissantes interventions des États,

– soit , il faut s’en remettre à la capacité des innovations financières  pour : «…régénérer en quelque sorte le système …de l’intérieur … ». 

Les co-auteurs de ce numéro de la REF s’attachent à analyser les situations des différents acteurs de l’intermédiation financière, face à ces deux points de vue. 

Dans ce contexte, il apparait que le « shadow banking » est devenu une forme structurelle et très complémentaire de l’intermédiation financière de même que la gestion d’actifs qui bénéficie d’un afflux inédit de capitaux en liaison avec le niveau des taux. En Europe, précise Denis Beau, sous- gouverneur de la Banque de France : «…la préoccupation touche plus à la concentration accélérée du secteur bancaire, plutôt qu’à sa rentabilité, moins impactée qu’il n’était  craint… ». Mais, « …les  grandes machines de collecte populaire de l’épargne .. » comme l’Assurance – vie sont  grippées par la faiblesse des rendements et des  taux négatifs . Si la dérive « vers l’inflation et la « répression financière » du système financier reste « inexorable », comme le montrent Vivien Levy Garboua et Gérard Maarek, le modèle d’affaires de l’ensemble des intermédiaires financiers est mis au défi d’évoluer pour résister aux crises systémiques à venir et s’adapter aux (grands) besoins d’investissement des économies après la crise du Covid. 

 Ces visions transversales, très complémentaires et documentées qu’apportent la trentaine d’éminents contributeurs à cette parution seront très précieuses.

Pour tous publics, experts, enseignants, et étudiants. Remarquable.

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Point de vue des économistes

La guerre du gaz en Méditerranée - Géopolitique du partage de la mer

Par Jean-Pierre ESTIVAL –  L’Harmattan  – 264 pages

Aucune nation ne peut se passer de gaz naturel.

Sur ce besoin universel où se rencontrent rareté et appétit de consommation insatiable, l’économie et l’écologie se rencontrent, se confrontent, en portant en elles d’inéluctables contradictions entre visions de court et le long terme. Il en résulte des tensions permanentes dont l’actualité se fait régulièrement l’écho. :

Les pays défavorisés du Levant veulent augmenter leurs maigres ressources en  s’appropriant entre autres le maximum de richesses gazières off-shore, ce qui entraine, pour leur partage, des conflits entre États voisins : la Grèce et la Turquie  sont en état de guerre larvée, Israël et le Liban  n’ont plus de relations diplomatiques  et Chypre s’est vue imposer un ETAT Chypriote indépendant.. 

L’Égypte appuyée par l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes s’oppose de  toutes ses forces à l’hégémonie turque qui profite de son coté du soutien financier du Quatar .                                                                                                   L’épicentre de ce jeu géopolitique du partage de la mer et du gaz en méditerranée se situe bien évidemment en Turquie et dans les pensées du Président Recep Tayyip Erdogan, « véritable Talleyrand des affaires internationales », étendant sa toile sur tout l’Orient, jouant de façon assumée la Russie contre l’Amérique et réciproquement, avec le risque pour l’Europe  d’apparaître in fine comme le grand dupe de cette « guerre tiède »….. 

Dans ce nouvel essai, très documenté, Jean-Pierre Estival, devenu spécialiste reconnu de ces aspects géopolitiques, propose une analyse lumineuse de ces grandes manœuvres. L’auteur souligne particulièrement la volonté de la Turquie d’anéantir le projet de gazoduc Eastmed, envisageant même de proposer la paix à Israël en lui proposant une autre liaison, plus rentable, en même temps qu’un pacte anti-Iran !

Erdogan ne craint pas non plus de se rapprocher de l’Arabie saoudite en l’aidant au Yémen.  Du coup, la Syrie revendique aussi sa part du gâteau gazier  dont on peut craindre l’usage qu’elle en  ferait. C’est tout dire de la détermination du Président turc et du peu de cas qu’il fait de la puissance européenne, en lui opposant son autonomie stratégique. 

L’UE et l’OTAN ont donc capitulé face à « l’empire turc nouveau ». Dans ce contexte, la Russie risquant par ailleurs de devenir un acteur énergétique majeur au Levant, les tensions dont la Turquie est globalement à l’origine, ne peuvent que s’amplifier et, la guerre, hier froide, devenue tiède, pourrait dégénérer à nouveau et embraser tout l’Orient.

Le grand mérite de Jean pierre Estival est de lever courageusement le voile sur ces manœuvres et ces conflits dits « gelés » pour lesquels hélas aucune solution ne parait se faire jour, montrant que dans les faits se dessine un nouvel ordre mondial proche de l’ancien ordre colonial… sauf que les puissances coloniales ne sont plus les mêmes qu’avant.

Très instructif… pour tous publics.

Jean-Pierre ESTIVAL, politologue et économiste, docteur d’État, diplômé de plusieurs écoles européennes. Auteur de nombreux ouvrages, spécialiste des  ex-pays PECO. Nominé pour le prix Turgot 2019.

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Point de vue des économistes

Mythe ou réalité de la souveraineté française

Favoriser le retour d’une autonomie stratégique pour notre pays au sein de l’OTAN ou de l’UE reste un objectif assez diversement partagé par la classe Politique. Mais l’évolution du contexte budgétaire de l’État, aggravé par  la crise liée aux conséquences de la Covid 19, détermine une pesanteur venant contrarier de plus en plus fortement les capacités à voir reconnues comme réalistes nos ambitions.

L’examen par le Sénat du projet de budget pour 2021 ne peut qu’interpeller en ce qu’il est écrit dans le Tome 1 du Rapport Général de la Commission des Finances au sujet des principaux équilibres (ou déséquilibres) que « l’Etat se finance désormais autant par l’endettement que par l’impôt ». Cela traduit une perte progressive d’autonomie et une dépendance croissante à nos créanciers dont nous sommes dans l’obligation, au moins implicite, de tenir le plus grand compte, ce qui ralentit et obère insidieusement notre liberté d’action. Entre 2008, année de la crise liée aux subprimes aux USA et cette année 2020, la dette de l’Etat français a plus que doublé (à+2000 milliards). Certes, son coût annuel a baissé en raison de la politique de taux d’intérêts bas menée par décision de la BCE. 

Il convient cependant de garder présent à l’esprit que la politique de création monétaire dite de quantitative easing ne peut s’inscrire dans la durée sans coûts réels quant à leurs effets immédiats comme futurs, en raison d’une alternative que l’on n’a pas encore trouvé les moyens d’esquiver :

– Soit la politique monétaire accommodante de la BCE (dans la ligne de la FED US) cesse et engendre une hausse des taux d’intérêts, et par voie de conséquences un accroissement proportionnel de la charge annuelle de l’Etat risquant de provoquer une crise financière si elle intervient brutalement ;

– Soit cette politique est durablement prolongée et engendre alors un regain d’inflation venant alléger la charge annuelle de l’Etat, mais avec pour contrepartie une perte sensible de pouvoir d’achat affectant plus particulièrement les épargnants, et en particulier les retraités, mais aussi l’équilibre du commerce extérieur renchérissant les importations à dû proportion.

 En  résultent  deux questions incontournables :

– Combien de temps semblable politique peut durer ?

– Quelles conséquences en termes de souveraineté induit cette dépendance à ses créanciers (pour l’essentiel étrangers, et non nationaux comme dans le cas de la dette japonaise) ?

En 2021, il est prévu que l’Agence France-Trésor émette comme en 2020,260 milliards d’euros d’emprunts pour la charge de la dette, ce qui correspond à un montant équivalent aux recettes fiscales nettes de l’Etat. En comparaison avec la période d’avant la crise de 2008 évoquée plus haut, le montant des OAT émises était équivalent à la moitié des recettes fiscales.

Les limites que nous déplorons au sujet des moyens affectés aux secteurs dits souverains (défense, santé, sécurité, justice etc. ) trouvent leur origine dans ce déséquilibre des finances publiques.   Cette situation assourdit notablement  et simultanément la portée de la voix de la France et sa capacité à se faire entendre, y compris au sein de l’UE Aussi  le rétablissement des finances publiques est une nécessité de défense, et une exigence de  notre souveraineté

La diminution du stock de dettes est nécessaire pour parer à la survenance d’une nouvelle crise, mais aussi à la cohésion interne de notre société. La solidarité intergénérationnelle pan fondamental de l’action publique dans le domaine social nous y invite aussi car les jeunes générations sont celles auxquelles demain appartient, et c’est pour l’assurance des lendemains que les efforts de défense sont consentis.

Or, c’est sur les jeunes générations que repose le paiement de dépenses qu’elles n’auront pas choisies. Elles devront acquitter des impôts qu’elles n’auront pas consentis.

De la sorte, la solidité de l’assise des politiques de défense auxquelles est étroitement liée à l’équilibre de nos finances publiques, et l’effet de puissance dont dépend leur crédibilité puise aussi à cette source. 

Si l’UE et l’adoption de l’euro ont évité une crise monétaire qui se serait traduite par une perte de près de 50% de la valeur de notre monnaie, la rupture du pacte relatif à la limitation des déficits budgétaires entraîne des tensions entre Etats dont il serait dangereux de sous-estimer les conséquences.

Ne manquons pas de tirer quelques leçons de l’Histoire aux débuts de la Vème République, pour corriger les méfaits d’une hausse des prix de 15% en une année, a été créé le nouveau Franc (plan Pinay-Rueff) refondant des bases de finances assainies. Notre pays put ainsi, grâce au retour d’un équilibre économique sain, mettre en œuvre une politique qui en rétablit la pleine capacité d’être entendu en raison des moyens d’une puissance assurée.

Le calendrier électoral offre la perspective de pouvoir inscrire dans les programmes politiques cette ambition. Il est temps de tenir un langage de vérité pour éviter que s’amplifie encore la fracture du pays.De cette exigence qui demande le « sacrifice du court -terme » dépend largement notre souveraineté.

Jean-Louis CHAMBON

Président Fondateur du Cercle Turgot

Marcel JAYR

Ancien Secrétaire Général de la Fédération Nationale des Dirigeants Salariés FNCDS

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