Point de vue des économistes

Les entrepreneurs de légende

Par Sylvain BERSINGER, Enrick B éditions – Tome 3 – 156 pages – 16,90 euros 

Le lauréat du Prix Turgot du jeune talent de la 33e édition récidive à travers cette parution du tome 3  de sa «saga » sur le thème des Entrepreneurs de légende qu’il a su parfaitement mettre en scène.

Avec une grande finesse d’analyse qui perce déjà à l’orée de ses trente ans, l’économiste propose   une perspective historique quasi romanesque sur le fascinant parcours de ces «… visionnaires qui, partis de rien, ont bâti des fortunes colossales et façonné notre monde…».

Ainsi dans ce nouveau chapitre,

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Langue française

Magouille

Les affaires, bien sûr, et surtout en français, ce n’est pas de la magouille. La conscience en paix, nous pouvons nous intéresser à ce mot.

Magouille est bien joli, mais son origine est obscure ; disons qu’elle est vaseuse.

Apparaît tout d’abord, et récemment, vers 1930, le verbe magouiller. C’est peut-être une résurgence (bien tardive, on en conviendra) du gaulois marga, qui désignait la boue. Le terme se retrouve dans des formes dialectales, telles que margouiller « patauger » et margouille, « flaque d’eau ». L’idée d’opérations glauques conduites dans la gadoue se comprend bien : pensons à grenouiller, de même sens et de forme voisine. Mais on s’explique mal le passage de margouiller à magouiller, avec chute de la consonne r ; peut-être une influence de manœuvrer.

Magouiller se répandit rapidement dans la langue familière, pour désigner des pratiques malhonnêtes, dans les domaines de la politique, ainsi qu’hélas de certaines affaires.

Malgré sa vivacité le terme ne s’offrit pas sur-le-champ à la dérivation lexicale. On ne dira jamais assez de bien des événements de mai 68 ; ils furent en effet une véritable éclosion lexicale. On vit surgir, et j’en fus témoin, tout un vocabulaire politique rénové. On magouillait beaucoup entre groupuscules rivaux ; on dénonçait par suite les magouilleurs, auteurs d’infâmes magouillages.Ce dernier dérivé eut toutefois moins de succès qu’un déverbal fort réussi et qui depuis a fait son chemin, concurrençant manœuvre et combine : magouille. Nul doute qu’il doit son succès à sa rime puissante : la magouille, c’est le fait des arsouilles et des fripouilles.

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Langue française

Boycott et boycottage

Refusant obstinément de baisser ses loyers, le grand propriétaire terrien irlandais Charles C. Boycott, à l’automne de 1880, ne se doutait pas que son nom passerait à la postérité et dans la plupart des grandes langues. Il fut en effet mis en quarantaine par ses fermiers, bien résolus à le faire céder. La presse anglaise s’empara de l’affaire, formant le verbe to boycott, qui passa presque aussitôt en français, sous la forme boycotter, ainsi que dans les autres idiomes européens. Le fait traduit bien la montée en puissance du journalisme à la fin du XIXe siècle, et son efficacité : boycotter devint d’usage courant.

Le terme désigne l’action d’interdire, par une mise en quarantaine (vieux mot français, lié aux quarante jours de carême, puis à l’isolement sanitaire) l’exercice d’une activité industrielle ou commerciale.

Le déverbal issu de boycotter fut d’abord boycottage, conforme aux règles de la morphologie. Toutefois, au cours du XXe siècle, l’anglomanie lui fit nettement préférer boycott.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Je crois percevoir une double tendance :

  • d’une part on semble réserver boycottage à l’opération proprement dite, comme y invite son suffixe agentif, et boycott au procédé. On dira par exemple : « il faut renoncer au boycott, car le boycottage en ce domaine est inefficace » ;
  • d’autre part, de façon plus générale, boycott paraît en recul devant boycottage, senti plus français.

Serait-ce un coup d’arrêt aux anglicismes ? Sans aller jusqu’à cette bonne nouvelle, j’observe depuis plusieurs années une tendance à la francisation qui vise à réduire le caractère d’étrangeté de l’emprunt. Après tout, surbooké est plus français qu’overbooké, et la prononciation / pipol/ (pour people) n’est pas qu’une plaisanterie ; elle est une saine réaction phonologique.

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Point de vue des économistes

Islamogauchisme, Populisme et nouveau clivage Droite-Gauche

Par Philippe FABRY et Leo PORTAL – VA Éditions – 189 pages

Il n’est pas nécessaire de souligner outre mesure l’actualité du sujet de ce nouvel essai : les débats médiatico-politiques qui prolifèrent en la matière s’en sont largement chargés, tout en restant le plus souvent en surface de la réflexion que devrait appeler ce « phénomène politique ». 

Aussi l’un des grands mérites de ce duo d’auteurs, historiens et experts reconnus de ces domaines est de proposer un décryptage original de ces tendances qu’illustrent entre autres, le trumpisme, la sécession des élites, l’islamisme, l’indigénisme, la woke-culture, etc… 

L’Islamogauchisme, le populisme, et le nouveau clivage Droite- Gauche incarnent tout particulièrement ces grandes questions de politique contemporaine : 

De fait, les repères des commentateurs paraissent brouillés, le clivage droite -gauche semble de plus en plus dépassé par les leaders politiques … en parole et en pratique, et c’est sur l’avenir même de la démocratie en occident et dans le monde sur lequel on s’interroge face à une montée en puissance  du Populisme …

De fait, le libéralisme, le socialisme, l’écologisme sont-ils de Gauche ou de Droite ?, « la  révolte  des  élites  est- elle une réalité ou un fantasme ?…..convenons que les point de vue  apparaissent  de plus en plus nuancés sur  ces sujets…

 Dans cet ouvrage particulièrement bien documenté et où s’éclairent l’histoire des idées et des Institutions politiques, les auteurs proposent une grille de lecture originale qui s’appuie sur une analyse permettant d’approfondir ces grandes questions :  – la démocratie est-elle en train de s’effacer au profit de nouveaux modes de gouvernement ?  -les raisons de l’évolution continue du clivage Droite-Gauche sont- elles à chercher ailleurs que dans un simple changement de clivage (où il n’y aurait plus, « en même temps », ni droite ni gauche), mais plutôt en prenant en compte de « nouveaux clivages » comme par exemple celui qui prospère entre mondialistes et nationalistes ? 

Les auteurs ont une théorie stimulante, capable de s’appliquer : « …à toute société politique, occidentale ou non, contemporaine ou passée… » 

 Il s’agit en réalité d’une ambition, en tous points méritante, pour proposer un modèle permettant : « … d’interpréter les signaux émis par les sociétés politiques occidentales actuelles et de discerner l’avenir de la démocratie en Occident … ». Le tableau de synthèse permettant d’appréhender la dynamique historique dans les principales communautés politiques (Angleterre, USA, Russie, Turquie, Japon, associant à celui de la France ceux   de la Rome antique et d’Athènes) est tout à fait exceptionnel : il met en lumière ce mouvement sinistrogyre dont le principal moteur reste l’émergence régulière de nouvelles classes d’exclus dotés d’une conscience politique. 

Ainsi la démonstration est faite de l’hypothèse selon laquelle : « …  il y a  toujours eu et partout , ….. des Réactionnaires, des Conservateurs, des Progressistes et  des Révolutionnaires  qui constituent les bases  théoriques  classiques.  Le clivage politique se fait toujours par rapport à l’ordre social établi et ne correspond pas à un corpus de « valeurs » ni à une doctrine idéologique qui changent avec le… temps et ce changement est la conséquence d’une dynamique sinistrogyre portée par de nouvelles idéologies à l’extrême-gauche, valant doctrine à l’intégration politique des nouvelles classes « d’exclus ».

 Enfin les auteurs concluent que le débat politique ouvert et les partis à « assemblées délibérantes » ne constituent en rien une rupture de cette réalité politique permanente.

 « … l’objet de la science politique n’est pas de comprendre comment manipuler les masses humaines, mais de les aider à faire leur psychanalyse afin qu’elles puissent maîtriser leurs pulsions et apaiser leurs névroses… »

 Ce brillant essai s’inscrit sur ce chemin. Immanquable pour tous publics.

– Philippe   FABRY ,  Historien  du  droit, auteur prolifique Prix turgot  du jeune  talent 2015

– Léo PORTAL,  Doctorant en sciences politiques  de l’université de Florence 

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Point de vue des économistes

L'avenir de l'intermédiation financière

Revue d’économie financière – AEF n° 142 – 2ème trimestre 2021 – Coordonnée par Jézabel COUPPEY-SOUBEYRAN et Vivien LÉVY-GARBOUA

La stabilité du système financier international, comme l’intermédiation financière elle-même sont confrontées depuis 2008 à des tensions inédites :    la répétition de crises majeures, les effets contradictoires des normes prudentielles qui laissent en pratique prospérer le « shadow banking » etc..

Pour maintenir la confiance face à ces transformations disruptives, les  régulateurs ont dû innover, s’éloignant d’une intermédiation centrée sur les  grands établissements dont le modèle de banque universelle parait révolu, en progressant vers des modèles plus décentralisés.

Mais comme le notent les auteurs de ce nouveau brillant collectif : « … le  scepticisme sur les capacités du système financier à se reformer sans crises majeures  est  très présent … ». Il en résulte un double point de vue :

 – soit, il convient de changer tous les modèles de gestion (politique monétaire, Banques Centrales, etc…), dans un contexte de fortes et croissantes interventions des États,

– soit , il faut s’en remettre à la capacité des innovations financières  pour : «…régénérer en quelque sorte le système …de l’intérieur … ». 

Les co-auteurs de ce numéro de la REF s’attachent à analyser les situations des différents acteurs de l’intermédiation financière, face à ces deux points de vue. 

Dans ce contexte, il apparait que le « shadow banking » est devenu une forme structurelle et très complémentaire de l’intermédiation financière de même que la gestion d’actifs qui bénéficie d’un afflux inédit de capitaux en liaison avec le niveau des taux. En Europe, précise Denis Beau, sous- gouverneur de la Banque de France : «…la préoccupation touche plus à la concentration accélérée du secteur bancaire, plutôt qu’à sa rentabilité, moins impactée qu’il n’était  craint… ». Mais, « …les  grandes machines de collecte populaire de l’épargne .. » comme l’Assurance – vie sont  grippées par la faiblesse des rendements et des  taux négatifs . Si la dérive « vers l’inflation et la « répression financière » du système financier reste « inexorable », comme le montrent Vivien Levy Garboua et Gérard Maarek, le modèle d’affaires de l’ensemble des intermédiaires financiers est mis au défi d’évoluer pour résister aux crises systémiques à venir et s’adapter aux (grands) besoins d’investissement des économies après la crise du Covid. 

 Ces visions transversales, très complémentaires et documentées qu’apportent la trentaine d’éminents contributeurs à cette parution seront très précieuses.

Pour tous publics, experts, enseignants, et étudiants. Remarquable.

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